vendredi 11 octobre 2013

Notes sur ma semaine en sciences 10

[caption id="attachment_1588" align="aligncenter" width="159"]Cliquez sur l'image Cliquez sur l'image[/caption]

  • On a un nouveau format de réunions d'équipe, où on essaye de réfléchir à partir de nouvelles scientifiques à la façon dont la bioinformatique pourrait aider. Bien sûr cette semaine le thème venait des Nobel, et en discutant on s'est demandé si quelqu'un avait déjà essayé de classifier non pas les protéines en fonction de leur compartiment sub-cellulaire, mais les complexes de protéines (une protéine agit rarement seule). Une recherche rapide après la réunion me montre que ça n'est pas évident que ça ait été fait (ce qui ne garanti rien bien sur), mais que d'après ce papier récent ça pourrait être en effet pertinent. Quelqu'un du groupe ayant demandé pourquoi ça n'a pas déjà été fait si c'est si intéressant, cela m'a rappelé la citation suivante de l'autobiographie de Feynman, quand il prend des cours de biologie pour voir, et pose des questions qui lui paraissent simples :


"Nobody knew. It turned out that it was not understood at that time. So right away I found out something about biology: it was very easy to find a question that was very interesting, and that nobody knew the answer to. In physics you had to go a little deeper before you could find an interesting question that people didn’t know."

(bien sur c'est possible que des gens aient essayé, que ça ne soit pas possible, et qu'ils n'aient pas publié leurs résultats négatifs. Ou que je ne sois simplement pas au courant.)




  • Karim sur Sweet Random Science se demande où est la science dans les films de science-fiction, et justement je trouve ceci sur les blogs de PLOS : une enseignante qui utilise Bienvenue à GATACA pour l'enseignement de la génétique.

  • Fait ch..r, notre projet de cours de Génomique des populations a été refusé par EMBO, surtout à cause de l'utilisation de la génomique des fourmis comme exemple pratique. A re-essayer avec un cas d'étude plus intéressant pour les collègues biologiste moléculaires ?

  • Après presque 4 mois d'attente sans réponse des experts, et un changement d'éditeur, pour un article soumis à Bioinformatics, j'en ai mis une copie dans ArXiv. Je me rends compte que je devrais faire ceci systématiquement pour tous nos articles soumis.

  • On interviewe en ce moment des candidats profs d'entomologie dans mon département, et lors de lors leurs présentations orales j'apprends plein de trucs sur les insectes.

    • Saviez-vous qu'alors que nous détectons une odeur à 1 milliard de molécules par cm3, et un chien le fait à 1 million, mais un papillon de nuit y arrive avec seulement 10 molécules par cm3 ? Il semble que les insectes volants arrivent à se repérer à l'odorat tout en volant rapidement, et que pour cela il faille une très grande sensibilité.

    • Les moustiques femelles s'accouplent de préférence avec des mâles dont le bourdonnement des ailes est en harmonie avec le leur apparemment. Et moi qui pensait que le bzzzz n'était là que pour m'empécher de dormir. Par ailleurs, ils piqueraient de préférence l'arrière des jambes pour être loin de nos oreilles (qui les repèrent) et nos mains (qui paf ! le moustique).

    • Il y a des espèces qui sont 100% femelles, mais utilisent les mâles d'autres espèces pour la reproduction : le génome du mâle est ensuite élminé des cellules sexuelles (gamètes), mais contribue au corps (soma). Certains molusques font la même chose, mais avec seulement des mâles. Il y a plein d'autres modes de reproduction rigolos.



  • A ce propos, ça me frappe le nombre de gens qui cherchent un poste dans la recherche, mais qui ne nous facilitent pas la vie pour trouver leurs publications, leur recherche, etc. Faites-vous des profils Google Scholar, ISI Web of science, LinkedIn, etc. Ca prends quelques minutes et vous serez nettement plus visibles. Si vous n'en faites qu'un, Google Scholar à mon avis : publis, citations, accessible à tous.

  • Prix Nobel de chimie pour de la chimie computationnelle, autant dire presque de la bioinformatique / biologie computationnelle ! Ce qui pose la question : si on donnait un prix Nobel à des bioinformaticiens, lesquels ?

  • Via Ars Technica, je trouve une revue des études sur la sécurité des OGM, qui confirme qu'il n'y a pas de risque alimentaires / santé humaine, mais que les conséquences environementales ne sont pas toujours bien étudiées. A l'heure actuelle, aucune conséquence négative n'est bien documentée, mais cela reste possible. Ca dépend bien sûr de l'OGM : des insectes herbivores résistants c'est potentiellement génant, des plantes qui produisent plus de vitamine A ça ne l'est pas.

  • A propos de riz doré, très bon appel au bon sens à l'occasion de la journée de la vision sur le site de l'Institut philippin de recherche sur le riz.

  • Page professionnelle d'un jeune prof de Stanford pleine d'humour : "I obtained my Ph.D. from Stanford in 1997, which has made me the second most famous person in my family after my cousin who is a professional horse trainer."

  • La rétraction d'articles scientifiques par ce qu'on a trouvé des erreurs est un sujet toujours sensible. Pamela Ronald, connue pour son travail sur le riz notamment, et auteure d'un livre sur la nouriture de demain avec son mari prof d'agriculture bio, a retracté deux articles et raconte l'histoire de manière exemplaire sur un blog. Voire aussi une plus ancienne discussion sur la façon de mettre les rétractions sur son CV, sur l'indispensable site Retraction Watch.

lundi 7 octobre 2013

Les Ranacaudas expliquent la spéciation et la sélection naturelle aux enfants

[caption id="attachment_1572" align="aligncenter" width="188"]Ranacaudas Ranacaudas[/caption]

[caption id="attachment_1570" align="aligncenter" width="154"]stupiddesign Cliquez sur l'image pour une parodie de Intelligent Design[/caption]

J'ai acheté cet été à mes enfants Petit à petit (Au pays des Ranacaudas), un livre qui explique l'évolution par sélection naturelle aux enfants. C'est la traduction française de Little Changes, un livre écrit par une biologiste évolutive, Tiffany Taylor, qui a reçu le soutien de la société européenne de biologie évolutive pour faire appel à un illustrateur.


Une fois passé les petits trucs de language énervants dans toute traduction, c'est excellent, et mon fils de 6 ans en a redemandé. Je vais en profiter pour expliquer quelques-uns des concepts qui sont traités dans le livre. Le livre raconte l'histoire des ranacaudas, des animaux imaginaires vaguement primatoïdes.

Premier point, rapidement traité : le temps profond de la biologie évolutive. "Il y a très longtemps, et même plus longtemps que cela". Un concept que nous (biologistes évolutifs, géologues, astrophysiciens etc) manipulons tout le temps mais qui ne dit rien à la plupart des gens. Tiens une petite blague scientifique pour la route : Combien faut-il de biologistes évolutifs pour changer une ampoule électrique ? Un seul, mais ça lui prend 8 millions d'années.

Deuxième point, très important : la diversité au sein d'une espèce. "De loin elles semblaient toutes identiques, de près toutes étaient différentes." Quelqu'un a dit que la génétique doit résoudre deux mystères : pourquoi tous les chats sont-ils différents ? Et pourquoi les petits des chats sont-ils toujours des chats ? C'est aussi une question posée à la biologie évolutive, et c'est le génie de Darwin que d'avoir compris le lien entre les deux questions (même s'il ne comprenait pas l'hérédité). De manière importante, les ranacaudas varient dans des traits qui seront importants dans l'histoire, comme la forme de la queue, mais aussi dans des traits pas importants, comme le visage. En effet, la variation naturelle affecte tout le génome, et quasiment tous les traits étudiables qui sont in fine codés dans ce génome (le "phénotype"). La variation n'est pas là pour permettre l'évolution ou la sélection naturelle, mais en première approximation parce qu'aucun mécanisme de copie ne peut être parfait, donc il y a des erreurs, qui génèrent la variation. Celle-ci est générée indépendamment de son rôle potentiel.

Ensuite on nous montre que parmi ces ranacaudas, certains préfèrent manger dans les arbres, d'autres dans l'eau. C'est un mécanisme de séparation de populations, par l'exploitation de resources différentes. Il est très débattu de savoir si une telle séparation peut mener à la spéciation, à savoir que les deux populations vivant ensemble mais ayant des différences de mode de vie deviendraient deux espèces séparée. Une telle spéciation serait dite sympatrique, et seuls quelques cas sont connus.

L'autre mode de spéciation, c'est l'allopatrie, quand les espèces sont géographiquement séparées. C'est probablement le mode principal de spéciation. Cela arrive aux ranacaudas quand une innondation sépare ceux qui mangent dans les arbres, et vivent maintenant en haut des collines loin de l'eau, de ceux qui mangent dans l'eau.

C'est alors que la sélection naturelle peut exprimer toute sa force ! Le livre explique bien que la sélection principale est de se reproduire et s'assurer que ses rejetons survivent (et non pas, comme on le représente souvent, de se battre avec des prédateurs à longueur de journée). On représente les ranacaudas devant apporter beaucoup de nouriture à leurs petits pour qu'ils survivent. Du coup, ceux qui arrivent à collecter davantage de nouriture ont davantage d'enfants qui survivent. Et il y a une explication de l'hérédité, à savoir que les enfants resemblent à leurs parents tout en étant un peu différents.

Alors ceux de la colline qui ont des variations permettant mieux de ceuillir les fruits des arbres ont davantage d'enfants, leur resemblant, et les traits facilitant la vie parmi les arbres deviennent plus fréquents dans cette population. En parallèle, les traits permettant de mieux se nourir dans l'eau deviennent plus fréquents dans l'autre population. Jusqu'à ce que au bout de beaucoup de générations tous les ranacaudas de la colline partagent les traits de ceuilleur dans les arbres, et tous ceux de la rivière partagent les traits de pêcheur. Attention, il reste de la variation et de la diversité. Mais il est maintenant facile de distinguer du premier coup d'oeil les deux types. Et quand ils se rencontrent à nouveau, ce sont deux espèces différentes !

Il y a un excellent dessin montrant des changements graduels parallèles d'un même type ancestral aux deux espèces de ranacaudas éventuelles.

La conclusion du livre invite les enfants à remarquer que de telles histoires peuvent expliquer bien de la variation entre espèces qu'ils peuvent voir par exemple au zoo. Comme souvent dans la vulgarisation de l'évolution, l'accent est mis sur la sélection naturelle : on invite les enfants à remarquer les adaptations type long cou de la girafe.

Au final, un livre qui couvre pas mal de concepts de manière simple et ludique. Je recommende recommande.

vendredi 4 octobre 2013

Notes sur ma semaine en sciences 9 : de retour, avec un gouvernement américain fermé et un peu d'humour

[caption id="attachment_1559" align="aligncenter" width="194"]Cliquez sur l'image Cliquez sur l'image[/caption]

Les étudiants sont dans les amphis et les salles de TP, mes diapos sont en ligne, ma demande d'argent pour le labo est déposée, je vais essayer de recommencer à bloguer un peu.

  • Le gouvernement américain ferme, cela a de lourdes conséquences pour la recherche scientifique, qui n'est pas considérée comme "essentielle", et même pour de nombreuses fonctions technologiques et médicales : plus de nouvelles études cliniques, plus d'évaluations de médicaments, plus d'analyse sauf sommaire des données géologiques (espérons que pas de gros tremblement de terre), etc etc. Un bon bilan en anglais sur un blog néo-zélandais des conséquences pour le reste du monde ici. Des captures d'écran des sites web scientifiques plus ou moins fermés sur le blog de Jonathan Eisen. L'info en temps réel avec #scienceshutdown.

  • D'ailleurs cette fermeture montre la dépendance que nous avons tous envers les infrastructures scientifiques américaines. Le principal outil pour chercher des articles scientifiques en biologie et médecine, PubMed, est américain. Il y a une version européenne, EuropePMC, mais elle dépend de PubMed (et PubMedCentral) pour ses mise à jour. Faut qu'on se réveille. Pas que pour l'Europe, mais tout le monde, américains compris, a intérêt à ce que le système soit davantage redondant en cas de problèmes.

  • Excellent billet d'Alexandre Moati sur les formes du doute, de la vraie science au mensonge propagandier des companies de tabac.

  • Autre excellent bilet de Sham sur les négationistes du changement climatique (voir aussi sur Sciences2).

  • Un article provocateur affirme que les modifications que les humains font aux écosystèmes peuvent en fait augmenter la biodiversité. Vu le nombre d'espèces qu'on dégomme, j'ai des doutes, mais c'est une réflexion intéressante et argumentée.

  • J'ai retrouvé mon rapport bibliographique de master (DEA à l'époque), datant quand même de 1993, pour retrouver certaines références bibliographiques des années 1980. Le formatage et surtout les figures et équations sont un peu foireuses, because que c'est du MSWord et pas du LaTeX, mais en gros c'est lisible.

  • Je suis sur que vous vous demandez sur quoi porte ma demande d'argent. Bioinformatics search for adaptive evolution in vertebrate development. Ah-haa!

  • Rock'n'science lance une chaîne de blagues scientifiques. En voici une petite assez geek quand même. On demande à des scientifiques de démontrer que tous les nombres impairs sont premiers. Mathématicien : 1 est premier, 3 est premier, par induction tous les impairs sont premiers. Informaticien : 1 est premier, 3 est premier, 5 est premier, 7 est premier, Segmentation fault. Biologiste : 1 est un modèle pour étudier les nombres impairs ; il est premier, donc les nombres impairs sont premiers. Physicien : 1 est premier, 3 est premier, 5 est premier, 7 est premier, 9 est presque premier, 11 est premier...

  • Encore une toute petite ? Il y a 10 sortes de personnes, ceux qui savent compter en binaire et ceux qui ne savent pas.

  • Du vrai humour : un excellent article parodique : Cleavage of SuperPower protein determines the superpower in a tissue dependent manner.

  • Du vrai-faux humour : Mike Eisen attire notre attention en prétendant brièvement être l'auteur du terrible article sur des bactéries à l'arsenic, pour démonter une pseudo-étude visant à montrer que les journaux Open Access sont mauvais.