vendredi 17 mai 2013

Petit commentaire rapide sur les cables diplomatiques américains pro-#OGM

[caption id="attachment_1064" align="aligncenter" width="252"]oops Cliquez sur l'image[/caption]

Comme j'ai pas mal parlé des OGM ici, surtout pour critiquer pas mal de problèmes avec le mouvement anti-OGM, je me sens tenu de commenter l'affaire récente des cables diplomatiques américains pro-OGM. Ca va être bref, parce que ça n'est pas de la science et parce que j'ai déjà trop blogué cette semaine. ;-)


Pour ce faire, je vais me permettre un parallèle avec l'affaire de la viande de cheval dans les lasagnes.

  • La viande de cheval n'est pas en soi mauvaise pour la santé.

    • Les OGM ne sont pas en soi mauvais pour la santé.



  • Il y a des gens qui n'ont pas envie de manger du cheval, c'est leur droit.

    • Il y a des gens qui n'ont pas envie des manger des OGM, c'est leur droit.



  • Des companies ont menti aux gens pour leur vendre du cheval sans qu'ils le sachent, pour se faire plus d'argent. Ca n'est pas bien.

    • Le gouvernement a poussé les OGM de manière sournoise, pour avantager l'industrie américaine. Ca n'est pas bien.




Voilà ça ne me paraît pas avoir grand chose à voir avec la science des OGM, et être plus similaire aux efforts que fait chaque gouvernement pour pousser son industrie et ses exportations, genre Airbus contre Boeing.

mercredi 15 mai 2013

Le français à l'université : le pourquoi avant le comment

[caption id="attachment_1047" align="aligncenter" width="243"]boulet_anglais Cliquez sur l'image (New York, NY)[/caption]

Apparemment ça se frite à nouveau à propos de l'anglais, langue de la communication scientifique mais pas de la France, mais en France y a des scientifiques, d'où problème apparemment. Tom Roud a pondu un bon billet sur le sujet, donc commencez par le lire.

Pour rebondir sur le billet de Tom, il me semble qu'il faut d'abord définir pourquoi on veut utiliser le français en priorité sur l'anglais. Les motivations auxquelles je peux penser sont :

  1. On est chez nous, nom d'Dieu.

  2. C'était comme ça de mon temps, pas de raison que ça change.

  3. A force d'entêtement, on finira bien par dominer le monde.

  4. J'ai la flemme d'apprendre une autre langue que la mienne propre.

  5. On pense différemment dans différentes langues, donc en gardant différentes langues actives on améliore la diversité des modes de pensée au niveau international.

  6. Nos ex-colonisés apprennent le français de toutes façons, autant que ça leur serve ainsi qu'à nous.

  7. Ca fait bien rire les anglais, ils ont pas la vie facile, faut leur faire plaisir.

  8. Si on travaille en anglais, on pourra plus facilement faire des comparaisons internationales, et ça va se voir qu'on est nuls.


Un intrus s'est glissé dans cette liste. Sauras-tu le retrouver ami lecteur ? Oui ! La raison numéro 5 est valable ! Pour poursuivre la discussion, oserais-je vous proposer de traverser le lac Léman, et voir comment ça se passe à Lausanne (en Suisse y a pas que des banques et du chocolat, y a aussi des universités) ?

A l'Université de Lausanne, où je travaille, en biologie (pas forcément pareil dans les autres matières), les deux premières années d'études sont en français à 100%. Avantage : les francophones apprennent les bases dans une langue qu'ils maîtrisent, de même d'ailleurs qu'un petit contingent d'italophones qui préfèrent ça que d'étudier en allemand (y a pas d'études de biologie en italien en Suisse). Inconvénient, les doctorants et post-doctorants non francophones (y en a plein) doivent faire des TP/TD en français (tout le monde ou presque enseigne en thèse) ; on s'en sort en mettant dans la salle un mélange de francophones et non francophones. Et les professeurs ? Quand on en embauche un prof qui doit enseigner en 1ère 2ème année, il s'engage à se mettre au français. On a des anglais, des allemands, des suisses allemands, des polonais, qui enseignent en français (même des français). En troisième année, le français reste dominant mais l'anglais est possible. Avantages : ça permet d'intégrer plus facilement les profs et les assistants non francophones, et surtout ça permet d'enseigner en anglais dès que des étudiants d'échange international le demandent. Ce qui m'arrive plus ou moins tous les ans en dernier semestre de bachelor (= licence). Nos masters de biologie fondamentale sont entièrement en anglais, et les étudiants sont un mélange de francophones, italianophones, germanophones, et un-peu-partout-phones. Avantages évidents : mobilité internationale des étudiants (et dans le cas Suisse, mobilité entre cantons...), enseignement par les profs et post-docs étrangers, formation des étudiants à la langue de la science. Inconvénients : je ne sais pas, personne ne se plaint à ma connaissance. Enfin, les enseignements de niveau thèse sont entièrement en anglais.

Je connais moins bien les détails à l'EPFL voisine, mais les masters de science sont aussi en anglais je crois, les premières années aussi en français, et les étudiants et les enseignants sont très internationaux. A noter aussi que l'EPFL pousse les cours massifs en ligne (MOOC) en français, notamment à destination de l'Afrique francophone. Ils sont où, ils sont où, ils sont où les français ? Notez le mélange d'anglais et de français sur cette page des MOOC à l'EPFL.

Un truc rigolo dans cette histoire, c'est que les suisses romands sont très francophones, même que les suisses alémaniques s'en plaignent. On ne peut pas dire que le français soit en voie d'extinction dans le coin.

Il me semble qu'on peut avoir le beurre et l'argent du beurre : les étrangers qui apprennent le français, les francophones qui apprennent l'anglais, la mobilité internationale des étudiants, la visibilité internationale de la recherche, et la communication francophone auprès du public.

Et pour revenir au point 5 ci-dessus, j'aurais deux réflexions finales :

  • Un francophone qui fait de la science largement en anglais continue à penser comme un francophone, tout en gagnant à communiquer avec les autres. C'est par cet échange et cette confrontation d'idées et d'approches que nous nous enrichissons tous, pas en s'enfermant dans des citadelles illusoires*.

  • Si l'usage de l'anglais colore légèrement notre manière de penser, permettez-moi de m'en réjouir. Dans mon expérience, de la philosophie aux éditorials de magazines et de l'écriture scientifique aux mémoires de guerre, l'anglais est plus clair et plus direct.


* vous avez vu, je n'ai pas dit Ligne Maginot.

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Mise à jour 1 : via Marie-Jean Meurs sur twitter, ces infos sur la situation à Montréal, Québec, Canada :
A Montréal, 2 univ fr (UdM etUQAM) et 2 en (Concordia et McGill). @Concordia, travaux en fr acceptés http://bit.ly/10qT4g5

Les cours aux cycles sup (Master, PhD) sont parfois en En dans les univ Fr et les étudiants peuvent panacher entre univs En et Fr.

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Mise à jour 2 : Je vois que les sondages auprès des étudiants de notre école de biologie indiquent que pour 32-33% d'entre eux la langue de travail ou d'études après leur master est l'anglais, et c'était le cas pour 69% d'entre eux il y a deux ans. Intéressant.

lundi 6 mai 2013

Comment juger qu'un résultat scientifique publié est bon ?

[caption id="attachment_1029" align="aligncenter" width="197"]scimag Cliquez sur l'image[/caption]

En septembre, Pierre Barthélémy a publié un billet sur son blog Passeur de sciences : Comment décrypter une étude scientifique, dans lequel il présentait quelques tuyaux sur la manière dont un journaliste scientifique peut juger de la qualité d'un résultat scientifique publié. A l'époque je n'étais pas très à l'aise par rapport aux critères présentés, mais je n'arrivais pas à exprimer mon malaise.


Ce billet m'est revenu à l'esprit en lisant une discussion sur l'excellent blog de Mike Taylor (paléontologue amateur qui publie et grand défenseur du libre accès), dans lequel il discute le fait qu'un article expertisé (peer reviewed) ne garantie pas qu'il soit juste. Jusqu'ici, OK. Le point important est que dans la discussion dans les commentaires, il clarifie mon malaise précédent, et avec son talent habituel pour la clarté met les points sur les i :
The point is that there is no silver bullet. If you want to know whether a published paper is good or not, it’s no good asking “was it peer-reviewed?” or “did it appear in JVP?” or any other such convenient short-cut. There are only two ways to evaluate it. You can either invest serious time (as in hundreds of hours, not two or three) to fully investigate its claims for yourself, replicating observations, experiments and analyses; or you can wait ten or twenty years and see what the community as a whole makes of it. Those are the only options.

Oui ! C'est bien triste mais il n'y a aucun moyen de savoir si un résultat nouveau récent est bon sans faire un travail énorme d'évaluation qui inclut probablement de refaire des expériences, des analyses ou des démonstrations. Sinon il faut attendre que la communauté le fasse : si le résultat résiste à l'épreuve du temps, la confiance augmente. A noter que si un résultat qui semble excitant n'est pas invalidé, mais n'est pas non plus confirmé, et que dix ans plus tard vous ne voyez que peu d'intérêt pour cette idée, ça peut être le signe subtil que personne n'a réussi à le reproduire, mais personne n'a non plus pris la peine de le rapporter, et ils sont juste aller travailler sur autre chose sans faire de bruit. Ca peut aussi être que l'idée était trop en avance sur la technologie de son temps ou quelque chose comme ça, méfiance.

Alors que faire ? Bin rapporter tout nouveau résultat avec plein de conditionnels et de peut-être, se méfier des titres accrocheurs, et chercher à comprendre la technique autant que possible dans chaque cas. Difficile pour les journalistes scientifiques, je l'admets. Ce qui est pourquoi il me paraît important que les scientifiques blogguent, et que les journalistes lisent ces blogs (et souvent ça veut dire les lire en anglais et se taper des discussions techniques, désolé). Au passage je félicite ceux qui essayent de faire du bon boulot malgré l'apparent manque de soutien des patrons de presse. Ce qui ne m'empêchera pas de continuer à me plaindre, les scientifiques c'est comme ça.

vendredi 3 mai 2013

Pourquoi je kiffe la science

[caption id="attachment_1017" align="aligncenter" width="152"]honest Cliquez sur l'image[/caption]

Sur son blog, Sirtin se pose la question "Pourquoi je kiffe la science ?", et y répond. Il a proposé aux autres bloggueurs du C@fé des sciences de répondre à cette même question, ce qui me paraît une bonne idée. Dr Goulu s'y est déjà collé, de même que Eric Simon et Xochipilli. Voici donc ma version.

En bref, je suis curieux, et j'aime la réalité. Pour moi la recherche scientifique pourrait se résumer comme la curiosité dans le respect de la réalité, ou de la vérité si on veut. (La curiosité sans respect de la réalité mène assez vite aux pseudo-sciences, au mysticisme, etc, à mon avis.) Un point de vue assez différent de Dr Goulu notamment, qui vient d'un point de vue très ingéniérie, et les deux ne sont pas exclusifs (je reconnais aussi mon coté geek...). J'aurais pu faire de la recherche en histoire ou en sciences sociales, ce qui m'importe c'est d'être honnête et curieux, de respecter les faits, d'éclaircir autant que possible notre compréhension du monde. En fait, je me rends compte que j'ai beaucoup couvert cette question déjà dans mon billet Pourquoi est-ce que l’étude #Seralini sur les OGM m’énerve ?

Je vais illustrer ce que je veux dire davantage par deux exemples.

Un contre-exemple : dans un article de commentaire de l'actualité sur l'interdiction des neonicotinoids pour protéger les abeilles en Europe, Lynn Dicks écrit :
You can’t switch off the lies and exaggeration. But don’t worry about them. When I saw the exaggerated pollinator-decline claim attributed to me in The Guardian I did not seek to correct it, because the correct information, with references, will go into a forthcoming parliamentary-committee report

Elle reconnait que le débat a été plein d'exagérations et de contre-vérités. Elle a lu dans la presse que les récoltes diminueraient de 20% à cause de l'interdiction, ce qu'elle pense être faux. Et elle a été citée elle-même comme disant que les trois quarts des espèces de polénisateurs des Grande Bretagne seraient en déclin, ce qui est apparemment aussi incorrect. Et voilà qu'elle dit que ça n'est pas grave, qu'elle ne cherche pas à corriger, parce que l'important c'est que d'une les politiciens ne lisent pas le journal mais le rapport parlementaire détaillé (yeah), et de deux la bonne loi est votée.

Pas d'accord du tout ! Si on utilise des arguments erronés aujourd'hui, qui nous croira demain ? Et de toutes façons, notre engagement de scientifiques, tel que je le comprend, est envers la vérité, pas envers les politiciens, le public, les abeilles ou les récoltes. Qui sont tous évidemment importants, mais ne justifient pas à mon sens d'être laxistes avec le respect des faits tels que nous les comprenons.

Maintenant le bon exemple : une blogueuse américaine anti-OGM, Julie Kay (je jure que je n'ai pas fait exprès de revenir sur les OGM, c'est juste le deuxième exemple qui m'est tombé dessus cette semaine) a engagé un dialogue internet avec un chercheur en biologie des plantes. A la surprise des deux parties, elles ont engagé un dialogue constructif, au départ très méfiant, mais de plus en plus ouvert. Maintenant la blogueuse se considère agnostique sur les OGM, reste en faveur du bio dans son alimentation et celle de ses enfants, tout en se méfiant des contre-vérités et argumentaires pseudo-scientifiques qui abondent dans le monde de l'internet bio. Et elle continue à étudier la question et à chercher à comprendre. De manière intéressante le biologiste est végétarien et veut améliorer l'agriculture bio, loin du loup-garou qu'imaginent beaucoup d'opposants aux OGM. Egalement intéressant, Julie Kay observe que le biologiste, Kevin Folta, a proposé de le contacter par email à de nombreuses reprises lors de débats sur internet sur les OGM, mais elle semble être la seule à l'avoir effectivement contacté.

Julie et Kevin sont curieux et honnêtes.