lundi 30 juin 2014

Vous utilisez Facebook, vous êtes donc volontaire pour être manipulé expérimentalement #FacebookExperiment

[caption id="attachment_2181" align="aligncenter" width="110"]cliquez sur l'image cliquez sur l'image[/caption]

[Si vous tombez sur ce billet maintenant, sachez qu'il y a une suite ici.]

Je ne sais pas pourquoi on se fait ch..r dans les hopitaux universitaires du monde entier à réfléchir à des consentements éclairés qui couvrent tous les cas de figure tout en permettant aux patients de comprendre de quoi il retourne avant de donner leur sang. Facebook et le journal de l'académie américaine des sciences (PNAS = Proceedings of the National Academy of Sciences USA) viennent de nous montrer que ce n'est absolument pas nécessaire. On peut apparemment manipuler les gens expérimentalement comme bon nous semble du moment qu'ils ont signé un accord de "conditions générales d'utilisation", vous savez le long truc légal sur lequel vous cliquez toujours "oui" pour accéder à la suite.

Dans une étude publiée le 17 juin dans PNAS donc, les gens de Facebook ont fait exactement ça : manipuler les gens puisqu'ils étaient apparemment d'acord, ayant signé les CGU (EULA en anglais). L'étude a commencé à faire pas mal de bruit à ce que j'ai vu ce week-end, et voici ce que j'en sais pour le moment. (Ca y est, pendant que je préparais le billet ça a atteint les médias français.)

D'abord, le papier est open access, donc vous pouvez le lire : Kramer et al 2014 Experimental evidence of massive-scale emotional contagion through social networks PNAS 111: 8788–8790.

Quand on dit qu'ils ont manipulé les gens, voici un extrait de l'article :
The experiment manipulated the extent to which people (N = 689,003) were exposed to emotional expressions in their News Feed. This tested whether exposure to emotions led people to change their own posting behaviors, in particular whether exposure to emotional content led people to post content that was consistent with the exposure—thereby testing whether exposure to verbal affective expressions leads to similar verbal expressions, a form of emotional contagion. People who viewed Facebook in English were qualified for selection into the experiment.

Mais la phrase clé est celle-ci :
it was consistent with Facebook’s Data Use Policy, to which all users agree prior to creating an account on Facebook, constituting informed consent for this research.

En d'autres termes, ils ont manipulé les gens à des fins expérimentales en considérant que le fait d'avoir accepté les conditions générales d'utilisation de Facebook suffit comme consentement éclairé (si si ils écrivent "informed consent"). Ceci alors que celles de Facebook sont connues pour être particulièrement peu claires et succeptibles de changer.

Autre truc bizarre : l'étude a été faite par des personnes affiliées à Facebook, et ils déclarent no conflict of interest. Il me semble que Facebook les paye, et bénéficie des résultats de cette étude, non ?

Il y a un énorme débat en anglais que je n'ai pas lu ici, pour ceux qui ont le temps. Aussi à l'heure où j'écris ces lignes, la discussion démarre juste sur PubPeer, un forum dédié aux problèmes avec les articles scientifiques. Et beaucoup d'activité (avec comme d'hab pas mal de bruit) sur Twitter sous #FacebookExperiment (mais peu en français pour autant que je vois). Un bon point de vue sur le blog Pharyngula aussi (qui cite notamment des passages clés des instructions aux chercheurs). Oh et un autre point de vue documenté intéressant ici.

Un échange que je trouve éclairant sur Twitter :


ToU = terms of use. Les deux sont des chercheurs en génomique / bioinformatique. Et justement en génomique on a de gros problèmes avec le consentement éclairé, parce qu'on a souvent des possibilités techniques qui apparaissent en cours d'expérience qui n'existaient pas au départ, donc il est très difficile d'informer. Quand je pense que je me suis embêté dans des discussions avec des avocats et philosophes sur le sujet (et je ne travaille même pas directement avec des données cliniques), alors qu'il suffisait de leur faire signer un accord général d'utilisation de la médecine qui dise en petit "et on fera ce que bon nous semble avec vous, vos données et votre santé", signez ou vous ne serez pas soignés. Trop facile.

Yaniv Erlich continue à défendre l'étude, ou en tous cas à critiquer ses critiques, sur Twitter. Il a notamment fait remarquer les articles plus anciens suivants, qui manipulent aussi les utilisateurs Facebook :

Aral & Walker 2012. Identifying Influential and Susceptible Members of Social Networks. Science 337: 337-341

Dans celui-ci ils ont recruté des utilisateurs par publicité à utiliser une application de partage d'opinions sur le cinéma. Je ne trouve nulle part dans l'article ou les méthodes supplémentaires de mention de "consent" (informed ou pas). Par contre la manipulation n'était pas directe : ils ont juste observé a posteriori comment les gens étaient influencés par les opinions de leurs amis, mais ces opinions étaient authentiques.

Bond et al. 2012. A 61-million-person experiment in social influence and political mobilization. Nature 489: 295–298

Ici c'est plus inquiétant, ils ont envoyé ou pas à des gens des messages de mobilisation politique pendant des élections, pour voir s'ils iraient davantage voter, avec un recrutement qui rappelle celui de l'expérience récente de Facebook :
To test the hypothesis that political behaviour can spread through an online social network, we conducted a randomized controlled trial with all users of at least 18 years of age in the United States who accessed the Facebook website on 2 November 2010, the day of the US congressional elections. Users were randomly assigned to a ‘social message’ group, an ‘informational message’ group or a control group. The social message group (n = 60,055,176) was shown a statement at the top of their ‘News Feed’. This message encouraged the user to vote, provided a link to find local polling places, showed a clickable button reading ‘I Voted’, showed a counter indicating how many other Facebook users had previously reported voting, and displayed up to six small randomly selected ‘profile pictures’ of the user’s Facebook friends who had already clicked the I Voted button (Fig. 1). The informational message group (n = 611,044) was shown the message, poll information, counter and button, but they were not shown any faces of friends. The control group (n = 613,096) did not receive any message at the top of their News Feed.

A nouveau, aucune mention du terme "consent". Juste ceci dans les méthodes supplémentaires :
The research design for this study was reviewed and approved by the University of California, San Diego Human Research Protections Program (protocol #101273).

C’est un peu court, jeune homme ! On pouvait dire… Oh ! Dieu !… bien des choses en somme sur le fait d'inciter ou décourager des gens de voter dans une élection fédérale.

Finalement, Yaniv signale celui-ci, qui ne manipule pas à proprement parler les utilisateurs, mais étudie juste l'effet d'un changement dans Facebook, qui proposait aux gens d'afficher leur statut de donneur d'organes, ce qui me parait légitime :

Cameron et al. 2013. Social Media and Organ Donor Registration: The Facebook Effect. American Journal of Transplantation 13: 2059–2065

vendredi 27 juin 2014

La première liste complète et scientifique de tous les produits commercialisés réellement sans produits chimiques !

[caption id="attachment_2167" align="aligncenter" width="150"]Cliquez sur l'image, BD très pertinente au sujet. Cliquez sur l'image, BD très pertinente au sujet.[/caption]

Je vais marcher sur les plates-bandes chimiques de MrPourquoi, mais il faut que je rapporte ceci. Le journal prestigieux Nature Chemistry a écrit hier sur son blog qu'ils avaient reçu un papier très inhabituel, par deux chimistes bien connus dans le monde des blogs et tweets. Dans ce papier, ils proposaient une "étude exhaustive des produits courants vendus comme "sans produits chimiques" (chemical-free), et une analyse détaillée des produits qui sont ainsi vendus de manière justifiée. En bref, il y en a peu. Encore plus bref, voyez le texte de notre manuscrit."

Malheureusement, le journal n'a pas pu publier l'article, car leur édition papier contient des produits chimiques. Toutefois, ils ont décidé de formater le manuscrit comme s'il était publié dans le journal, et de proposer aux lecteurs du blog de l'expertiser. Je me dois de le partager avec vous.

La voici, la liste exhaustive et complète des produits domestiques sans produits chimiques :

[caption id="attachment_2166" align="aligncenter" width="150"]cliquez pour lire le PDF complet, y compris les références. cliquez pour lire le PDF complet, y compris les références.[/caption]

Mise à jour : liens tirés de l'article :

1. ‘Chemical-free’ sunscreen: http://campl.us/bmnl
2. ‘Chemical-free’ chemistry set: http://sciencegeist.net/my-chemically-fueled-life/
3. ‘Chemical-free’ bassinets: http://www.nytimes.com/2012/03/15/garden/going-to-extreme-lengths-to-purge-household-toxins.html?pagewanted=1&_r=1&
4. ‘Chemical-free’ eggs: http://justlikecooking.blogspot.com/2012/07/chemophobia-vacation-style.html

jeudi 26 juin 2014

Comment utiliser les maths et la génomique à la ENCODE pour mieux comprendre les variations génomiques humaines

[caption id="attachment_2147" align="aligncenter" width="150"]cliquez sur l'image cliquez sur l'image[/caption]

J'ai lu récemment un article qui est assez technique, mais dont je voudrais parler ici d'une part parce qu'il m'a beaucoup plu (geek alert), et d'autre part parce qu'il illustre bien je pense deux points intéressants : le pouvoir de la recherche interdisciplinaire (maths et biologie en l'occurence), et la façon dont les progrès de la génomique et de la bioinformatique augmentent notre compréhension du génome. Ce dernier point implique à la fois des espoirs de diagnostic médical, et des inquiétudes sur la vie privée...

Joseph K. Pickrell 2014 Joint Analysis of Functional Genomic Data and Genome-wide Association Studies of 18 Human Traits. Am J Hum Genetics 94, p559–573

Il faut d'abord expliquer comment on trouve d'habitude des variations génomiques (des mutations pas trop rares) impliquées dans des phénotypes (caractères visibles ou mesurables, dans la variation normale comme la taille, ou pathologiques comme la tendance à certaines maladies). On utilise le GWAS, Genome Wide Association Study, qui consiste à comparer entre groupes de personnes (typiquement, avec ou sans une maladie) des centaines de milliers de variations génomiques, et chercher quelles variations ont une association statistique significative avec la maladie, c'est-à-dire sont plus fréquentes chez les malades que chez les non malades. Avec l'espoir de trouver des causes génétiques de la sensibilité à différentes maladies (ou différents phénotypes normaux).

Le problème, c'est que c'est peu puissant, c'est-à-dire que c'est dur de trouver des variations génomiques signficatives expliquant une part importante de la variatiation phénotypique. C'est là où vient le travail de Jo Pickrell. Il formalize l'intuition selon laquelle une association génomique dans une région connue pour être importante (par exemple un gène) a plus de chances d'être vraiment causale qu'une association dans une région sans fonction connue, voire connue pour être sans fonction. Et du coup, il utilise les données d'ENCODE, qui sont peut-être bruitées et sur-interprétées, mais sont une immense source d'informations sur le rôle potentiel de chacun des 3,2 milliards de nucléotides de notre génome. En combinant cela avec d'autres sources d'information, certaines presque triviales (est-ce un gène ? est-ce à coté d'un gène ?), il obtient une classification des nucléotides en 450 classes de fonction potentiellement différente.

La partie méthodes du papier est pas mal riche en équations. Le concept central est le théorème de Bayes (voir ici par exemple), et je ne vais pas tout détailler, et en plus j'ai les équations qui s'insèrent mal dans Wordpress (et j'ai pas envie de débugger), mais voici le point clé pour moi. La probabilité postérieure qu'une région du génome soit associée au phénotype dépend de la probabilité a priori pour ce genre de régions (élevé pour un gène, pas mal élevé pour une région qui fixe plein de facteurs régulateurs, faible pour une région où rien de fonctionnel ne se passe) et du support statistique d'association de chacun des variants génomiques dans cette région (si vous avez le papier, j'en suis à l'équation 17). Et de même, on peut calculer la probabilité postérieure que chacun de ces variants soit celui qui est causalement associé. Et le produit de ces deux probabilités nous donne la probabilité pour un variant d'être associé au phénotype, sachant le type fonctionnel de la région du génome où il est, et sachant toutes les associations statistiques simples dans cette région. Simple et beau.

En applicant cette méthode à 450 types de régions et à 18 jeux de données (variants génomiques liés à phénotypes) de GWAS, il montre par exemple que pour certains types de phénotypes(par exemple la densité des os) on a surtout des variations des protéines qui sont importants, alors que pour d'autres (par exemple le nombre de globules rouges) c'est surtout les variations de la régulation des gènes. Il trouve aussi, de manière pas évidente, que la répression des gènes est souvent plus critique que leur activation. Finalement, la chromatine fermée (partie du génome où l'ADN n'est pas disponible pour l'activité des gènes contenus) contient généralement peu d'associations importantes, ce qui pourrait grandement améliorer la puissance statistique de tests qui n'auraient plus à se préoccuper de cette partie de l'ADN (si on sait bien l'identifier pour les types de cellules pertinentes...).

Et donc pour revenir à mon observation de départ, ce type d'étude me motive pour ne pas être d'accord avec ceux qui considèrent que le séquençage des génomes ne sert à rien ou ne présente pas de risques pour la vie privée. Avec des données fonctionnelles qui augmentent exponentiellement, et les progrès des méthodes mathématiques et informatiques, ce n'est presque plus de la science fiction de prédire des traits intéressants ou génants d'un individu à partir de son ADN. ADN que vous laissez trainer partout où vous passez. Sur ce, bonne journée. :-)

Mise à jour : Joe Pickrell lit le français !



 

mercredi 25 juin 2014

Evolution convergente répétée des autruchoïdes et supériorité de la phylogénie moléculaire

[caption id="attachment_2131" align="aligncenter" width="150"]cliquez sur l'image, en plus ça vient de Podcast Science cliquez sur l'image, en plus ça vient de Podcast Science[/caption]

Une étude du mois dernier renverse notre compréhension de l'histoire évolutive des gros oiseaux qui ne volent pas, genre autruche, éclairant notre compréhension de la convergence évolutive, et dans le même temps montrant l'importance de la phylogénie moléculaire (poke poke collègues du Museum national d'histoire naturelle). En bref, de petits oiseaux volants ont de manière répétée envahi de nouveaux continents, devenant à chaque atterrissage des oiseaux géants non volants. Sauf si un cousin était arrivé avant, enquel cas ils sont restés petits, zut.

Ci-dessous, la figure clé du papier. Il montre les nouvelles relations entre ratites, oiseaux non volants sauf le tinamou qui vole mal : moa de Nouvelle-Zélande (éteint), tinamou d'Amérique du Sud, oiseau éléphant de Madagascar (éteint), kiwi de NZ, émeu et casoar d'Australie mis ensemble, rhea ou nandou d'Amérique du Sud, et autruche d'Afrique (dans l'ordre de la partie C de la figure).

[caption id="" align="aligncenter" width="896"]si vous voyez ce texte il y a un problème avec l'image, merci de me le signaler A : dérive des continents sur la période pertinente ; B : phylogénie (arbre évolutif) supposé par rapport à la phylogénie et la géographie, espèces colorées par continent ; C : phylogénie obtenue dans cette étude.[/caption]

La phylogénie présentée en B de la figure est celle qui fait sens si on regarde la morphologie des bestioles et leur aire de répartition. On suppose qu'ils ont divergé au fur et à mesure que les continents se séparaient, à partir d'un ancêtre volant mal ou pas du tout, et probablement gros.

Mais ici les auteurs ont récupéré de l'ADN abimé mais encore utilisable d'échantillons préservés des espèces éteintes (les plus grosses, ≈250 kg de viande, donc nous les humains on les chasse, donc éteintes), et ont comparé avec de l'ADN des autres espèces. Et là, surprise, la phylogénie en C de la figure ! Ils ont fait plein de contrôles statistiques, cela semble robuste, avec 15'000 bases d'ADN à comparer au minimum. Ils ont essayé de dater la divergence des espèces, mais là ils manquaient de précision statistique, donc ils sont prudents ; ça semble être de l'ordre de grandeur de juste après la disparition des dinosaures (≈66 millions d'années).

Le problème principal posé est que la phylogénie ne suit pas du tout la dérive des continents. C'est illustré par tous les changements de couleur des branches dans l'arbre phylogénétique. Donc les espèces ont du pouvoir passer de continent en continent. Donc voler. D'où l'hypothèse avancée que l'ancêtre de ce groupe était un oiseau petit (enfin relativement à une autruche - normal, quoi) et volant. Chaque fois qu'un descendant de cet oiseau arrivait dans un continent sans gros herbivore (et tout de suite après les dinosaures y avait pas encore grand chose dans le genre), il avait une tendance à évoluer en gros herbivore non volant : autruche, moa, oiseau éléphant. Mais s'il y avait déjà de la compétition, comme pour l'ancêtre du kiwi arrivant dans une Nouvelle Zélande déjà peuplée de moas, alors cette branche là de la famille restait petite (de taille, mais grande de coeur et de valeur je suis sûr). Vous me direz, comment se fait-il qu'il y ait des émeus et casoars en Australie ? Excellente question, merci de me l'avoir posée, en fait les casoars sont surtout en Nouvelle Guinée, voilà.

C'est une histoire dingue, complètement contre-intuitive. Bien sûr, il se peut que des études futures la prouvent fausse, mais l'étude semble bien conduite et solide (contrairement aux cellules souches, je me sens compétent à juger ici). Si c'est vrai, alors cela montre :

  1. la puissance de l'ADN ancien, qui nous donna déjà Denisova (et ici) et quelques autres suprises.

  2. la puissance de la phylogénie moléculaire et sa supériorité sur la phylogénie morphologique pour comprendre l'histoire évolutive, y compris et surtout quand elle est contre-intuitive, alors que le morphologique tend à confirmer l'intuition.


Pour clore, je vous fourni ce petit indice pour juger d'un domaine de recherche paraissant étrange : si on ne trouve jamais que ce qu'on s'attend à trouver (comme la psychologie évolutive qui confirme à répétition les clichés sur les hommes et les femmes), c'est suspect. Une vraie recherche scientifique trouve pratiquement toujours des surprises. Voir billet d'hier sur les vertues d'avoir tort. :-)

Mise à jour : on me signale sur Twitter un papier sorti en même temps qui trouve des résultats cohérents (bien que avec moins d'espèces) avec davantage de données moléculaires, ce qui est rassurant pour la robustesse du résultat :

 

mardi 24 juin 2014

Les trucs de tonton scientifique pour avoir toujours raison : admettre quand on a tort

[caption id="attachment_2097" align="aligncenter" width="150"]cliquez sur l'image cliquez sur l'image[/caption]

Dans les discussions sur ce blog et ailleurs sur les OGM, certains semblent penser que je suis trop afirmatif. C'est possible. Mais chaque fois qu'on m'a montré que j'avais tort, je l'ai admis :

  • Quand Martin Clavey m'a donné un exemple de phrase sur les OGM qui les survend (par opposition aux phrases catastrophistes), je l'ai mise en avant.

  • J'ai corrigé plein d'erreurs petites ou grandes dues à mon manque de documentation pendant l'interview podcast.

  • Quand un collègue m'a donné une référence montrant que, contrairement à ce que je pensais, le saumon OGM présente un risque, j'en ai fait un billet.


Ceci n'a rien de spécifique à moi. C'est l'approche normale en sciences. Lorsque l'évidence montre qu'on a tort, on change son point de vue. Le résultat peu intuitif de cette approche, c'est qu'en acceptant d'avoir tort, on a de plus en plus raison. En corrigeant au fur et à mesure ses erreurs, et tout le monde fait forcément des erreurs, on se rapproche de la vérité. Pendant ce temps, ceux qui n'admettent pas d'avoir tort continuent d'avoir tort.

Alors cela donne parfois une impression d'arrogance ou de domination de la discussion, parce que si on fait cela depuis longtemps, on en arrive à avoir souvent raison sur pas mal de points, pour de bonnes raisons si j'ose dire. Non pas parce qu'on est plus intelligent ou autrement supérieur, mais par l'application simple de l'algorithme "si j'ai tort, je change d'avis". Et nos contradicteurs qui ne changeraient pas d'avis ont souvent tort. Il leur suffirait d'admettre leur erreur pour avoir raison, mais si l'on voit une discussion comme un débat à gagner ou perdre plutôt que comme une opportunité de se rapprocher de la vérité, c'est un problème.

lundi 23 juin 2014

Pour le fun, à quoi ressemblaient nos plantes cultivées à l'état de nature ?

[caption id="attachment_2104" align="aligncenter" width="108"]cliquez sur l'image cliquez sur l'image[/caption]

Le site web pro-biotechnologies Genetic Literacy Project propose un petit tour amusant des plantes que nous mangeons, dans leur forme non domestiquée. Pour faire réfléchir ceux qui pensent que nous ne devrions rien modifier, car la nature a été suffisamment bonne avec nous, voici des fruits minuscules, amers et pleins de pépins, et des graines à peine commestibles !

[caption id="attachment_2720" align="aligncenter" width="452"]Screen-Shot-2014-06-19-at-9.43.46-AM Image de Genetic literacy project. De gauche à droite et de haut en bas, pastèque, maïs, banane, aubergine, carotte, et le truc qui a été diversifié en chou, chou-fleur, brocoli, etc.[/caption]

Une critique commune envers le mouvement anti-OGM est de noter que de toutes façons nous modifions génétiquement notre nourriture depuis les débuts de la domestication. J'ai traité ce problème rapidement dans le Podcast, et je ne suis pas tout-à-fait d'accord. C'est vrai que c'est une erreur complète de penser que par exemple la banane que nous mangeons est "naturelle". Mais c'est aussi vrai qu'il y a des différences entre le génie génétique et la domestication par sélection et croisements. Une fois qu'on a accepté ces deux points, on peut essayer d'avoir une discussion raisonable (faut aussi accepter de comprendre les types d'OGM, mais c'est une autre discussion).

Dans le même genre, mais mieux documenté et discuté, y avait un bon billet sur le maïs sur le blog SSAFT.

J'ai cherché d'autres photos de cousins sauvages de plantes cultivées, mais c'est surprenamment difficile à trouver libre de droits (genre Wikipedia). Par exemple la domestication de Capsicum annuum sauvage a donné tous les poivrons et piments, mais je n'ai pas trouvé de bonne photo. Suggestions bienvenues.

vendredi 20 juin 2014

Comment écrire un mauvais article : tests multiples, corrélation = causalité, et communiqué de presse mensonger

[caption id="attachment_2066" align="aligncenter" width="92"]Cliquez sur l'image Cliquez sur l'image[/caption]

Lior Pachter, le lonely cow boy de la bioinformatique, a dégainé à nouveau il y quelques temps (j'ai pris du retard dans la rédaction de billets), mais pour changer il n'a pas attaqué un gros joueur de la bioinformatique (voir ce bilet et celui-ci), mais un article qui a fait pas mal de bruit en début d'année aux Etats-Unis :

J.M. Gilman et al.Cannabis Use Is Quantitatively Associated with Nucleus Accumbens and Amygdala Abnormalities in Young Adult Recreational Users, Neurology of Disease, 34 (2014), 5529–5538.

D'après le communiqué de presse et les interviews de l'auteur, l'article montrerait que même une consommation faible de marijuana cause des lésions au cerveau. C'est possible que ce soit le cas, mais le papier ne montre pas cela. Je vous fais un résumé des erreurs, pour le détail lisez le billet (en anglais) de Lior.

  • Echantillonage faible et biaisé : seulement 20 personnes, et les personnes présentées comme fumeurs occasionnels fumaient en moyenne plus de 10 joints par semaine. On n'a pas la même définition d'occasionnel que l'auteur apparemment.

  • Tests multiples mal corrigés : plus de 120 tests, sans correction appropriée (rappel : quand on fait plein de tests, certains apparaissent significatifs par hasard, sauf si on corrige de manière appropriée). Pire, des tests qui ne passent même pas les critères insuffisants des auteurs sont quand même discutés comme s'ils étaient significatifs, et mis en gras dans les tableaux.

  • Bien sur, les données ne sont pas disponibles, donc on ne peut rien vérifier.

  • Des résultats pas significatifs dans l'article sont discutés comme significatifs par l'auteur dans la presse.

  • Au final, même si tout était bien fait (et rien ne semble l'être), l'étude ne pourrait montrer qu'une association corrélative, avec une causalité inconnue. Mais l'auteur a conclut sur une causalité.


Pourquoi est-ce que je discute ceci malgré mon retard à réagir ? Parce que les mêmes mécanismes sont à l'oeuvre dans de nombreux cas où une étude isolée est utilisée pour appuyer une position qui a un certain appui social.

jeudi 19 juin 2014

10 concepts scientifiques dont il faudrait arrêter d'abuser

[caption id="attachment_2089" align="aligncenter" width="150"]Cliquez sur l'image Cliquez sur l'image[/caption]

Un article récent du blog/magazine techno io9 pose la question à différents scientifiques : "quels concepts sont les plus incompris ?" (en anglais). Les réponses sont intéressantes :

1. Le concept de Preuve, pour Sean Carrol, physicien.

En effet, en dehors des maths, on ne prouve rien, on a un soutien statistique de plus en plus fort pour des modèles décrivant le monde de mieux en mieux. Ce qui pose problème dans la communication scientifique, quand on nous demande si on a la "preuve" du changement climatique induit par l'humanité, de l'efficacité des vaccins, de l'impact (ou non) des OGM, de l'évolution, etc etc. Je suis assez d'accord avec ce problème. Un problème d'ailleurs parallèle est quand on vous demande si vous "croyez" à l'évolution, au changement climatique, etc. Oui au sens d'une opinion raisonnée, mais non au sens d'une croyance religieuse.

2. Le mot Théorie, pour Dave Goldberg, un astrophysicien.

Dans le language commun, une théorie c'est une supposition, one opinion. En science, c'est un édifice théorique (bin tiens) qui décrit un aspect de la réalité, qui est testable et a résisté à de nombreux tests, et qui peut être adapté à de nouvelles connaissances jusqu'à un certain point (par exemple l'inclusion de la génétique dans la théorie de l'évolution). Le problème pour Dave Goldberg c'est la confusion entre ce sens et celle de l'expression du language courant "juste une théorie".

3. L'incertitude quantique et l'étrangeté quantique, aussi pour Dave Goldberg.

Le problème est l'utilisation de concepts difficiles à comprendre, qui indiquent que le monde à un certain niveau est non déterministe, par toutes sortes de tendances mystiques. Je cite Goldberg : "just because the universe isn't deterministic doesn't mean that you are the one controlling it". La mécanique quantique ne démontre pas l'existence de l'âme (ni de la Force).

4. Acquis contre inné, pour la biologiste évolutive Marlene Zuk.

Je vais citer une partie de son raisonnement, qui vaut le coup :
The first question I often get when I talk about a behavior is whether it's "genetic" or not, which is a misunderstanding because ALL traits, all the time, are the result of input from the genes and input from the environment. Only a difference between traits, and not the trait itself, can be genetic or learned.

Oui ! Bien évidemment, sans gènes pour apprendre à parler, on ne parle pas français. Mais si on grandit en Chine, on ne parle pas français non plus.

5. Le mot naturel, pour le biologiste synthétique Terry Johnson.

Un cliché des discussions science et société. Les deux points principaux sont bien soulevés par Johnson : (1) est-ce que cela fait sens de distinguer ce que fait un humain (artificiel) de ce que fait une abeille ou un castor (naturel) ? Et (2) spécifiquement pour l'alimentation, c'est plus ou moins impossible à définir, mais pratiquement rien de ce que nous mangeons est sans intervention humaine.

6. Le mot gène, à nouveau pour Terry Johnson.

Il commence par deux points, un où je suis d'accord : on a beaucoup de mal à définir ce qu'est un gène de manière générale, et un où je le suis moins, en répercutant les clichés sur l'ADN poubelle pour lequel on découvrirait plein de fonctions (voir débat ENCODE).

Ensuite il note que le mot gène est souvent mal utilisé quand il est suivi de "pour" ou "de", genre le gène de l'obésité. En fait les variations entre individus, qui nous intéressent le plus souvent dans ces discussions, sont dues à des variations dans les gènes et le reste de l'ADN, qui interagissent entre eux et avec l'environnement. Donc on peut dire "le gène dont certains variants font partie des facteurs de risque pour l'obésité". Moins sexy.

7. Le terme statistiquement significatif, pour le mathématicien Jordan Ellenberg.

Le point le plus intéressant pour moi, et qui m'a attiré vers l'article via Twitter. En effet, quand on dit "significatif", on comprend qu'un effet a une importance. Or les tests de probabilité utilisés pour parler de significance statistique ne mesurent pas l'importance de l'effet, mais notre capacité à le détecter par rapport à une alternative. Il propose donc "statistiquement détectable" à la place, et la significance serait réservée à la discussion de la taille de l'effet par rapport au phénomène mesuré (10% de différence de durée des enseignements n'a pas la même importance que 10% de différence d'espérance de vie). Je suis tout-à-fait d'accord. D'habitude je clarifie cela en parlant de "significance biologique" (parce que j'étudie la biologie).

8. Le concept de survie du plus apte, pour la paléoécologiste Jacquelyn Gill.

D'une part, ce n'est pas un concept du à Darwin, contrairement à ce que l'on pourrait croire. Et d'autre part, cela évoque un combat continuel dans lequel les espèces s'améliorent forcément. Mais l'évolution peut être neutre, elle peut être adaptative à court terme mais maladaptative à long terme, et l'on peut s'adapter de toutes sortes de manières qui ne soient même pas liées à la survie, mais typiquement à la reproduction (voir billets Ranacaudas et évolution reloaded).

9. La compréhension des échelles de temps géologiques, pour la même Jacquelyn Gill.

Elle râle parce que les gens mélangent dinosaures et hommes de Cro Magnon. Ouais, mais à mon avis plus un problème de culture scientifique que de concepts.

10. Le mot organique (ou biologique), pour l'entomologue Gwen Pearson.

Le même problème que pour le mot naturel. D'ailleurs Pearson met dans la "constellation" de mots qui "voyagent avec organique" les termes "sans produits chimiques" et "naturel". A noter qu'en anglais "organic farming" a le sens francophone de "agriculture biologique". Elle râle moins par rapport à la différence, inévitable, entre le sense technique (organique : qui contient du carbone) et le sens courant, mais sur le fait que ces termes indéfinissables recouvrent des réalités variées qui sont alors masquées. On va penser qu'organique ou naturel sont meilleurs qu'artificiel ou synthétique, alors que les champignons vénéneux bio sont bien plus dangereux que l'insuline produite par bactérie OGM. Avec un lien vers un site cool explicant la chimie et les erreurs liées à sa mauvaise compréhension.

(titre corrigé suite à tweet d'Alexandre Moati)

Mise à jour : examples supplémentaires intéressants postés sur Reddit.

mardi 17 juin 2014

Créer des super virus au labo est-il vraiment une bonne idée ? (non)

[caption id="attachment_2068" align="aligncenter" width="150"]cliquez sur l'image cliquez sur l'image[/caption]

Récemment, des chercheurs de l'université de Wisconsin-Madison ont publié un article dans lequel ils rapportent avoir modifié un virus de la grippe pour le rendre aussi dangereux et aussi contagieux que celui de la célèbre épidémie de 1918 (la "grippe espagnole").

Cet effort a provoqué beaucoup de réactions négatives dans la communauté scientifique (article du Guardian, billet de blog du biologiste évolutif Jerry Coyne, billet de blog du microbiologiste "Mike the mad biologist" ; tout ça en anglais). En gros, la plupart des collègues pensent que dans ce cas précis les risques l'emportent nettement sur les bénéfices.

Bénéfice potentiel : mieux comprendre comment une souche de grippe devient si dangereuse.

Risques potentiels : (1) déclencher une épidémie très grave, et (2) si jamais il y a un problème même mineur ça peut détruire la confiance dans la microbiologie, voire la biologie, durablement. Faut bien dire que le risque 1 semble bien le plus grave, de loin.

J'ai noté un commentaire sur twitter (que je ne retrouve plus) de @tomroud, qui disait qu'après ça, va expliquer rationnellement les OGM sans passer pour un savant fou. En effet.

Ce qui est étrange c'est que le NIH (INSERM américain), d'habitude très à cheval sur l'éthique et tout ça, ait financé des expériences pareilles.

Conclusion : je ne sais pas, c'est un monde fou.

(juste avant que je ne publie ce billet, j'ai vu que c'était couvert dans Le Monde édition abonnés)

lundi 16 juin 2014

Retranscription annotée de mon interview sur les #OGM par @podcastscience

[caption id="attachment_2053" align="aligncenter" width="150"]Cliquez pour voir une super animation qui défend les nerds Cliquez pour voir une super animation qui défend les nerds[/caption]

J'ai été interviewé en avril sur Podcastscience par Alan sur les OGM. Je prends finalement le temps d'annoter la transcription avec les références et corrections qui ne passent pas en direct à l'oral. J'ai coupé juste la présentation au début de l'émission. (Entre temps, Alan vient de publier un billet où il s'explique sur l'accusion d'être pro-OGM.)

A : Ok, donc t’as absolument aucune espèce d’affiliation ni avec Monsanto, ni avec qui que ce soit. T’as pas d’affiliation ni dans le camp des pros, ni dans le camp des antis OGM, c’est juste ?

M : C’est juste. Je partage mon bâtiment avec des gens qui travaillent en biologie moléculaire des plantes, donc font des OGM, et je suis dans le département d’écologie d’évolution donc j’ai des collègues qui travaillent sur la biodiversité etc…

A : Ok, toi les OGM, on l’a dit, c’est pas exactement ta spécialité. Pourtant, t’as beaucoup écrit sur le sujet sur ton blog qui s’appelle tout se passe comme si. Pourquoi cet intérêt pour le sujet ?

M : Alors mon blog c’est pour parler de biologie et de science et donc, faut pas non plus éviter les sujets qui polarisent la société ou dont les gens discutent. Et je pense qu’en Europe de l’ouest, le problème principal qui est adressé à la biologie c’est la compréhension, l’incompréhension des OGM. Si j’étais aux Etats-Unis, je parlerais sans doute de créationnisme et d’évolution, mais ici, le problème principal, la discussion principale, c’est sur les OGM. Et en fait je me suis mis vraiment à bloguer là-dessus suite à l’affaire Séralini, quand il y a eu un article (je l’ai lu) c’est peu dire qu’il est de mauvaise qualité (j’aurais pas laissé passer ça comme un rapport intermédiaire de Master) et faisait autant de bruit, tout le monde en parlait et donc beaucoup de blogueurs scientifiques ont réagi là dessus, même des gens qui parlent pas habituellement de biologie ou d’OGM et comme il y avait beaucoup de réactions, je me suis intéressé au sujet et puis voilà.

A : Ok. Bon, alors ce soir on va aborder tout un tas de sujets, on va parler de génétique, d’évolution, de santé d’environnement, de faim dans le monde, de mentalités, de multinationales, de risques. Je compte sur toi, évidemment, pour qu’on parle avant tout de science. On va quand même commencer par travailler nos fondamentaux. Un OGM, c’est une notion qui correspondant à quelque chose ?  Ça existe un OGM ? C’est quoi ?

M : Techniquement, ça existe, c’est-à-dire qu’un OGM c’est une façon de modifier la biologie, de travailler en biologie donc. Dans les années 70, quand ça a été inventé, on appelait ça l’ingénierie génétique, genetic engineering, gene engineering et il s’agit d’utiliser des outils de biologie moléculaire pour découper des gènes, les sortir de leur contexte et les mettre dans un autre contexte et les faire actif dans cet autre contexte. Donc ça peut être d’une souche de bactérie à une autre, ça peut être d’une espèce de bactérie à une autre,  ça peut être d’une espèce de bactérie à une espèce de plante. Comme tous les êtres vivants partagent exactement la même structure de l’ADN, il n’y a aucun problème à le déplacer d’une espèce à une autre. Donc c’est ça qui fait la grosse différence avec les autres techniques, c’est qu’on n’a pas les même contraintes. On a les contraintes des techniques de biologie moléculaire mais pas les contraintes qui viennent de quelles espèces  veulent bien se reproduire ensemble ou veulent bien s’hybrider.

A : D’accord. Parce qu’on pourrait se dire qu’en fait de la manipulation génétique on en fait via la sélection artificielle depuis au moins 10000 ans. Mais ce que tu dis c’est que là c’est un petit peu plus en fait ; on traverse la barrière des espèces.

M : Alors la barrière des espèces, on la traverse déjà depuis longtemps. En soi, les oranges c’est un hybride de mandarine et de pomelos, deux espèces différentes d’agrumes, mais c’est des espèces d’agrumes. D’accord ? Et il y en a beaucoup comme ça : le blé domestique est un hybride de plusieurs espèces d’herbacées qui ressemblent plus ou moins à du blé mais qui font des graines beaucoup plus petites et qu’on a sélectionnées au cours des générations pour faire du blé comme nous on le connait. Donc il y a beaucoup de cas où on a passé la barrière des espèces, mais en général entre espèces proches. Et puis ensuite dans la nature ça arrive assez fréquemment que la barrière des espèces soit passée. En fait la technique de base pour les OGM c’est d’utiliser le fait qu’une bactérie en particulier, agrobacterium, passe facilement ses gènes dans les plantes. Donc en fait on donne un gène à agrobacteirum et agrobacterium le passe à la plante. Et ça c’est quelque chose d’assez naturel. Et parmi les bactéries c’est très commun. C’est-à-dire que si vous étudiez des bactéries, il y a toujours 5%-20% qui viennent d’autres espèces, dans toute bactérie.

A : Ok donc finalement il n’y a rien de vraiment exceptionnel avec la technique. Est-ce que l’évolution n’est pas une grosse usine à OGM, d’une manière ou d’une autre ? C’est juste que là ça va plus vite, on sélectionne ce qu’on va faire, on peut cibler, on peut viser.

M : Une technique c’est un moyen de faire ce qu’on veut plus vite, plus efficacement, donc on peut comparer en chimie, quand on utilise des catalyseurs, c’est une réaction qui pouvait se produire thermodynamiquement mais la fait se produire plus rapidement. Donc c’est à peu près pareil que la catalyse. J’ai fait une fois un titre de billet de blog qui s’appelle : les OGM n’existent pas, là ou ils n’existent pas, c’est au sens du plus gros du discours public. C’est-à-dire, quand on dit des choses comme “les OGM vont résoudre la faim dans le monde”, “les OGM sont dangereux”, “les OGM sont mauvais pour la santé”, “les OGM détruisent la biodiversité”, c’est une technique pour bouger un gène d’un endroit à un autre. En soi, ça ne détruit pas de biodiversité, ce n’est pas bon pour la santé, ce n’est pas mauvais pour la santé. C’est comme avec la catalyse, on peut faire toute sorte de produits chimiques, des inoffensifs, des dangereux, des bons pour la santé. En soi, c’est abstrait, on peut faire tout ce qu’on veut avec. Donc dans le sens où c’est utilisé dans le discours public, non, les OGM n’ont pas un sens très fort. Ce n’est pas une catégorie qui a un sens et pour moi, c’est ce qui me gène le  plus dans le discours public. On met dans une boite “OGM” des choses qui ne vont pas ensemble.

A : C’est intéressant comme point. Du coup, je me demande, aux Etats-Unis, on les appelle maintenant des GEO, à la place des GMO donc c’est les genetically engineered organism, c’est respectivement GEP et GEA pour les animaux et plus OGM, est-ce que ça contribuerait déjà à préciser un peu les choses ? Si on changeait comme ça les appellations, ou même pas tellement finalement on parle d’une espèce, de gros machin, gros concept en mélangeant tout.

M : Alors déjà je pense que du point de vue communication ce qui pose problème  c’est le mot gène, ce n’est pas le mot modifié ou organisme. Il y a certains mots comme ça qui sont des mots qui alarment les gens, c’est comme nucléaire. Quand on a mis la résonance magnétique nucléaire à l’hôpital, on l’a appelé l’imagerie à par résonance magnétique.

A : On a viré le nucléaire

M : Le mot nucléaire a disparu. Pour les OGM peut-être qu’on aurait du faire ça au début mais maintenant c’est trop tard, maintenant si on change le nom personne ne va être dupe quand même. Donc maintenant si on appelle ça des “organismes améliorés magiquement” ça ne va pas marcher.

A : Ok et puis est ce que les labelliser peut éventuellement changer quelque chose ?

M : Alors c’est la grosse discussion aux Etats-Unis. Aux Etats-Unis, les OGM sont légaux, sont très utilisés, sauf quelques utopistes, la plupart des verts américains n’espèrent plus les enlever. Ils voudraient qu’ils soient labellisés pour que les gens ne les achètent pas. Alors, il y a beaucoup de combat là-dessus, beaucoup de mes collègues scientifiques aux Etats-Unis sont opposés à la labellisation parce que, comme je disais les OGM, ce n’est pas une catégorie qui a un grand sens. Donc, si on met ce label OGM, on va faire peur aux gens  y compris sur des produits complètement inoffensifs et les rassurer sur un produit où il y aura écrit non OGM qui pourra être dangereux. Donc après il n’y a pas beaucoup de discussion là-dessus en Europe donc je ne suis pas très sur de ce qui serait la meilleure solution. Il me semble qu’on pourrait en profiter pour faire de la pédagogie, distinguer les types d’OGM c’est-à-dire qu’on pourrait dire “ça, ça a été fait avec un OGM dans lequel on a rajouté un gène venant d’une bactérie” dans ce cas là si vous ne voulez vraiment pas avoir d’OGM qui viennent d’autres espèces, vous le savez. Mais il y a des OGM dans lequel on n’a pas rajouté de gènes, parce qu’on peut faire tout ce qu’on veut avec la génétique. Donc il y a des OGM où on a juste éteint un gène qui était là. Ou on a bougé un gène ou on a multiplié un gène. Donc c’est la même espèce, on a bougé entre deux variétés de la même espèce. Par exemple comme le croisement qui fait l’orange. Juste plus rapidement. Donc si on avait une labellisation qui permettait de distinguer les OGM ce serait peut-être informatif parce que là, on pourrait voir. Ok, moi je ne veux pas, par exemple, manger de maïs qui exprime un insecticide. Par contre je veux bien celui qui résiste à un herbicide, parce que résister à un herbicide ce n’est pas que j’ai ajouté quelque chose je l’ai juste empêché d’être susceptible à l’herbicide. Ce n’est pas du tout la même chose que d’exprimer un insecticide. Donc je ne pense pas personnellement que le maïs qui exprime l’insecticide soit dangereux j’ai aucun problème à en manger, mais si des gens veulent pas en manger, ça, ça serait légitime. De l’afficher. Mais afficher juste OGM en général, ça n’a pas de sens.

A : Ca ne veut rien dire. Ok, bon tu as touché un point sensible, le mot génétique qui fait peur il y a un côté un peu mythe de Prométhée, on joue aux apprentis sorciers, non ?

M : Toute la science. Je veux dire le mythe de Prométhée c’est sur les humains qui prennent la connaissance des dieux. Donc toute la science, on fait ca maintenant. On est dans le monde, on a le choix entre ne pas comprendre ce qui se passe et subir, ou comprendre ce qui se passe. Moi, je suis scientifique, ce qui m’intéresse c’est de comprendre. Après il y a un domaine un peu séparé même si c’est lié, c’est l’ingénierie, donc quelque part le génie génétique, les OGM c’est de l’ingénierie. L’ingénierie c’est : j’utilise cette connaissance pour agir. Alors on pourrait se contenter de savoir et ne pas agir, en principe c’est possible. Quand on connait la solution qui peut aider et qu’on ne l’applique pas on peut aussi discuter que c’est peut être un tort. Que c’est peut être une non assistance quelque part. Si je connais la solution, si je suis capable de mettre des moteurs à essence dans les ambulances pour que ça aille plus vite qu’être tiré par des chevaux, que je le fais pas, j’ai peut être tort. D’accord même si les moteurs à essence c’est dangereux, ça pollue, ça coûte cher. Donc quelque part est-ce que si on a la solution, on a le droit de ne pas l’appliquer, c’est une question.

A : Est-ce que c’est vraiment la solution ? Parce que d’un autre coté ça fait un peu peur comme on l’a dit, il y a cette notion de principe de précaution. Dans ce contexte ça peut sembler légitime. On ne voudrait pas d’un nouveau scandale de l’amiante.

M : Alors sur l’amiante je ne suis pas spécialiste, d’après ce que j’ai compris ça faisait très longtemps qu’on connaissait les risques, simplement les gens n’étaient pas très prêts à agir. Et il y a aussi une composante sociale. C’est-à-dire dans tout ce qu’on fait il y a une balance risque/bénéfice qu’on accepte, quand on prend la voiture, on sait qu’il y a beaucoup de morts sur la route, pourtant on prend quand même la voiture pour aller plus vite. Il y a toujours un risque bénéfice. On boit du café, on sait que le café a un léger facteur de risque pour des problèmes cardiaques, on le boit quand même. Parce qu’on veut se réveiller. Donc je pense que dans notre société le rapport risque/bénéfice tel qu’il est perçu a changé avec le temps. Donc à l’époque où on a découvert le problème de l’amiante, on était beaucoup moins sensibles aux risques et beaucoup plus aux bénéfices. Donc le risque/bénéfice était perçu comme favorable au bénéfice. Et avec le temps, cette perception a changé. Bon. C’est comme je comprends les choses, je suis ni historien ni spécialiste de l’amiante. En tout cas, ce qui n’est pas le cas et que j’ai lu plusieurs fois c’est que les scientifiques auraient affirmé pendant 100 ans que l’amiante n’était pas dangereux à tort. Et sachant que c’était dangereux peut-être même. Ça c’est faux. On peut trouver des publications des années 1930 et même avant qui détaillent les risques. On savait comme pour le tabac, ça date des années 1920-1930 qu’on sait les risques. Simplement, globalement dans la société on n’était pas prêts à agir sur ces risques. Donc c’est suite à ce genre de problème qu’il y a le principe de précaution. Je ne suis pas juriste comme je comprends le principe de précaution c’est “stop quand quelque chose de nouveau, tant qu’on ne comprend pas on préfère par défaut ne pas avancer”. Et en fait les biologistes sont tout à fait sensibles à ça. Quand le génie génétique a été inventé dans les années 70 les généticiens se sont réunis ont dit “stop”, on fait quelque chose de complètement nouveau c’est la première fois qu’on peut découper un gène et le bouger, ils ont fait un moratoire, c’est les biologistes qui ont décidé de ce moratoire. Le temps de comprendre ce qu’ils faisaient et ils ont redémarré quand ils comprenaient ce qu’ils faisaient.

A : C’était quand ça t’as dit ?

M : Dans les années 70

A : Ok, ça a duré combien de temps ?

M : Ouh, faudrait que je vérifie, de l’ordre de grandeur 5 ans. [vérification : 1 an]

A : Ok.

M : Et quand les OGM sont arrivés sur le marché donc, pour la premières fois on a fait ça à grande échelle, moi j’étais étudiant en thèse de biologie. Moi je me suis dit attention, qu’est ce qu’il se passe, il faut comprendre. Surtout que je fais de la biologie évolutive, j’étudie les génomes, je sais par exemple que les gènes peuvent passer entre espèces alors que certaines personnes pensaient que c’était pas possible. Donc si on met un gène dans l’environnement et qu’il passe entre espèce ça peut être risqué. Donc je comprends parfaitement le fait d’être prudents quand ça arrive. Maintenant le principe de précaution tel que je le comprends ne dis pas : “toute technique qui existait pas du temps de mes grands parents ne doit jamais être mis en œuvre” et c’est un peu l’interprétation que j’entends des fois, c’est-à-dire que c’est bon, les OGM ça fait longtemps qu’on s’en sert, ça fait très longtemps qu’on s’en sert au labo, ça fait plus de 10 ans que c’est cultivé à grande échelle, c’est suivi comme aucune autre innovation, il y a aucune autre agriculture qui est autant suivie, il y a un monitorage pas croyable, y a des tonnes d’études qui avaient pour but de montrer qu’il y avait des problèmes et il n’y a pas de problème. Donc à ce niveau là je pense que le principe de précaution tel que je le comprends, je ne suis pas juriste, mais tel que je le comprends il ne s’applique pas, c’est-à-dire que c’est bon, on a l’information, il n’y a pas de risque particulier.

A : Ok, on reviendra là dessus après parce qu’on va discuter de qui finance ces études et de ce genre de choses et encore quelle est leur crédibilité.
J’aimerais qu’on commence par un volet santé. Quand on a d’éminents généticiens, je pense notamment à Pierre-Henri Guyon, qui nous disent qu’on ne peut jamais savoir ce qui va se passer quand on met un gène dans un nouvel environnement génique, il y a forcément un peu de vrai, non ?

M : Alors tout d’abord, Pierre-Henri Guyon que je respecte beaucoup comme généticien de l’évolution, il n’a aucune compétence en santé. Pour être clair, c’est quelqu’un qui est spécialiste de la génétique des populations des plantes, ce qui est très bien mais il n’a pas de compétences en santé, moi non plus mais je prétends pas. Ensuite c’est vrai que tout ce qu’on fait dans un monde complexe on ne sait pas tout ce qui va se passer, si on met de manière absolue, c’est-à-dire qu’on doit absolument savoir avec une certitude ou on ne sait pas, on ne sait rien. On revient à Descartes, je pense donc je suis, tout le reste je ne le sais pas. Mais on n’agit pas en fonction de Descartes d’habitude. On agit comme si on savait un peu plus que je suis. Donc on doit prendre en compte des proba finalement, on doit prendre en compte qu’est-ce qui est probable, qu’est ce qui est improbable et on fait un risque/bénéfice en fonction de risques probables ou de risques improbables, de bénéfices probables, de bénéfices improbables. On connait quand même bien la biologie moléculaire. C’est vrai qu’on ne connait pas tout ; j’étudie les génomes on découvre beaucoup de choses, mais quand on prend un gène qui fait une enzyme c’est ce que fait ce gène, c’est la fonction qu’on connait le mieux des gènes, de faire des enzymes. C’est ce qu’on étudie depuis les années 40. On le met dans un organisme, dans un contexte où il exprime cette enzyme, on vérifie au labo qu’il exprime l’enzyme et qu’il ne fait rien d’autre. C’est bon, à ce niveau là on sait que ce gène fait cette enzyme. Une enzyme, on sait ce que ça fait, ça catalyse une réaction chimique, ça fait pas des choses autres. Si on mettait un gène qui régule d’autres gènes, on ferait une cascade complexe, et je trouve cet argument un peu fallacieux parce qu’on fait tout le temps des mélanges dont on ne sait pas le résultat. J’ai eu une discussion il y a 2 ans sur twitter, sur quelqu’un qui était anti OGM et puis quand je clique sur le lien, son business c’est de vendre en France des plants de tomates sauvages du Pérou. Est ce que quelqu’un a déjà fait pousser des plants sauvages de tomates du Pérou en France ? Est ce qu’on sait l’effet, l’impact sur l’écosystème ? Est ce qu’on sait s’ils vont s’hybrider avec d’autres plantes ? Est ce qu’on sait s’ils vont se répandre dans la nature ?  Est-ce qu’on sait ce qui va se passer quand les animaux de France vont les manger ? Ça a été étudié tout ça ? Ce truc qui vient avec 25000 gènes, c’est une plante qui n’a jamais été en France, pourquoi ça c’est bien et mettre une enzyme dont je sais quelle enzyme c’est, c’est dangereux ? Quand je mélange plusieurs ingrédients que j’avais jamais mélangé avant dans une recette ça n’avait jamais été mélangé avant. Je sais pas ce qui va se passer, je fais l’hypothèse de rajouter un peu de curry à ma sauce ça va pas me tuer, c’est des probabilités. Je le sais pas, je ne peux pas l’affirmer avec certitude, je n’ai aucune  preuve que de rajouter un peu de curry à ma sauce ne va pas me tuer. Mais on accepte ce risque. Parce qu’on sait quand même assez, on a assez d’expérience sur le problème, c’est que mettre le curry dans la sauce, on en a tous l’expérience. De jardiner et de planter une tomate dans son jardin, tout le monde a soit l’expérience soit un copain qui l’a fait. On l’a vu c’est quelque chose dont on a l’expérience. La biologie moléculaire, c’est un domaine très récent, compliqué, et dont les gens n’ont pas l’habitude. Et dans les études de perceptions du risque, c’est clair que les deux facteurs principaux c’est : 1) est-ce qu’on se sent en contrôle, c’est pour ça qu’on n’a pas a pas peur au volant de sa voiture quand on prend un risque et qu’on a peur dans les montagnes russes quand on n’a pas de risque, c’est parce qu’on n’est pas en contrôle, et 2) est-ce qu’on a l’habitude, donc les gens ont beaucoup plus peur d’un truc nouveau que d’un truc qui existait. C’est pour ça qu’on voit José Bové, qui a peur des OGM, qui fume la pipe. Le tabac c’est mortel. Le tabac c’est un poison, c’est très mauvais. C’est beaucoup plus mauvais qu’aucun OGM. Je veux dire si on sortait le tabac aujourd’hui par génie génétique ça passerait pas la première étape des tests de validation ce serait interdit de le cultiver.

A : Espérons…

M : Ça couvre des millions d’hectares dans le monde, c’est un poison. Et ce qu’on fume et ce qui est mauvais pour vous c’est un insecticide, le tabac a développé ça pour tuer les insectes. Et des gens, qui ont peur d’une petite quantité d’insecticides, fument. Donc non, on ne peut jamais vraiment savoir mais on peut avoir des probabilités assez fortes et c’est forcément comme ça qu’on vit.

A : Ouais, et puis ce que tu dis c’est que il faut le tester finalement. Si on veut connaitre ces rapports coûts/bénéfices qui sont jamais nuls. Il ne faut pas qu’on s’interdise d’essayer au moins.

M : Oui. Alors les OGM sont testés. En fait c’est les seuls plantes testées. C’est à dire que je peux prendre une plante, l’irradier à la radioactivité pour créer des mutations, ensuite croiser les plantes irradiées entre elles, regarder les résultats et vendre les graines sans aucun test. C’est complètement légal. Je peux même le vendre en bio. Mais par contre si je prends l’OGM dont je sais quel gène je prends, je le mets dans une plante, là c’est un OGM, là il y a des tests, et il y a des tests extrêmement stringents. Et l’autre truc qui est assez surprenant c’est que beaucoup de gens anti OGM disent d’un côté il faut tester, il faut savoir ce qu’il se passe, mais quand on fait des tests ils les détruisent et là il y a quand même une contradiction. C’est à dire que si vous voulez qu’on teste les choses, faut pas détruire les tests. Et ça c’est une des choses, en tant que scientifique, moi comme tu disais au début, je ne travaille pas sur les OGM je n’ai pas personnellement des billes là dedans, mais en tant que scientifique quand des gens détruisent des tests scientifiques ça pour moi c’est inacceptable.

A : Ton sang ne fait qu’un tour.

M : C’est complètement inacceptable. Je veux dire, on n’a pas à détruire des tests scientifiques. On doit comprendre le monde pour pouvoir mieux y vivre et juste fondamentalement pour le comprendre. Et chaque fois, et la première action des faucheurs volontaires en France, avec José Bové c’était pour détruire un essai public, ce n’était pas Monsanto, c’était l’INRA le CIRAD. C’était financé par le contribuable et c’est ça qui a été détruit. Donc aujourd’hui  il n’y a que Monsato qui fait des tests et Syngenta parce que c’est les seuls à avoir les moyens. On a mis des barrières administratives très très lourdes, donc il y a beaucoup de tests sécurités à faire et ceux qui ont les moyens de faire ces tests de sécurité c’est Monsato, c’est Syngenta. Ce n’est pas un laboratoire public. Ce n’est pas une startup. Donc on se trouve dans une situation qui finalement avantage ces groupes. Ils n’ont aucune concurrence. Monsanto domine le marché parce que personne d’autre n’a envie de s’embêter avec ces tests. Il n’y a certainement pas une startup qui va perturber le jeu. Si on avait mis des contrôles pareils sur l’informatique, on aurait encore IBM. Mais on n'aurait pas Microsoft ni Apple ni Google ni Facebook, (bon on pourrait se passer de Facebook). On n’aurait pas Doodle, on n’aurait pas Skype. Rien de tout ça, parce que si il fallait prouver par des tests très chers que chaque nouvelle outil informatique n’est pas dangereux, personne ne le ferait. Y aurait pas les startups de la Silicon Valley. Il y a pas de Silicon Valley des OGM parce que c’est impossible de démarrer les choses. Alors je ne dis pas qu’il ne faut pas tester du tout mais là on a d’un coté un test énorme pour les OGM et d’un autre coté aucun test pour le reste. Je peux hybrider deux plantes au hasard et vendre ça, c’est légal. Je peux prendre une plante du Pérou et la vendre en France c’est légal.

A : J’ai même lu qu’on pouvait faire des mutagenèses aléatoire, c’est un truc que je connaissais pas du tout.

M : Ça, c’est dont je parlais avec la radioactivité, soit la radioactivité, soit des produits chimiques. Donc la mutagenèse aléatoire donc tous les organismes vivants mutent en moyenne, nous deux qui nous parlons des deux cotés de la table on a 200 mutations qui nous séparent chacun de nos parents, nouvelles à chacun de nous. Tout le monde mute. Mais ces mutations il y en a pas tant que ça, sinon on survivrais pas et, en moyenne, elles se produisent dans des régions du génome qui servent à rien, qui sont pas fonctionnelles. Et les plantes c’est pire, les plantes ont d’énormes génomes avec plein qui ne sert à rien et donc dans la mutagenèse aléatoires ce qu’on fait c’est qu’on augmente le taux de mutations, en fait c’est les cancérigènes, parce que les cancers c’est des mutations et le cancer c’est quand vous avez des mutations qui font que vos cellules ne se régulent plus bien. Et dont on met des cancérigènes, ça fait des mutations, on le fait parce qu’on peut le faire avec plein de graines de plantes ou plein de levures par exemple c’est fait dans la bière, ou dans la levure de pain. On peut faire à grande échelle donc on peut virer ceux qui marchent ceux qui feraient des cancers etc… Et on garde ceux qui ont la propriété qu’on veut. Mais ceux qui ont la propriété qu’on veut, on le voit juste, on regarde la plante et on voit qu’elle nous plait mais on ne sait pas quels gènes ont été touchés. Et probablement le gène qui nous intéresse ou d’autres qui font la même chose ont été touchés et plein d’autres choses, on ne sait pas.

A : Mais c’est une technique très courante ce truc là ?

M : Oui.

A : Ah ouais?

M : Oui très courant.

A : Donc c’est très courant, c’est potentiellement assez dangereux puis ce n’est pas testé du tout et on en parle jamais.

M : Potentiellement dangereux. Un peu plus dangereux que les OGM mais pas très dangereux quand même.

A : D’accord.

M : Mais non c’est vrai qu’on en parle très peu. Parce que ça se fait depuis les années 60, 50 même et comme on en a l’habitude, ce n’est pas sur le radar.

A : Ouais c’est ça. Mais ceci dit les OGM on devrait en avoir un petit peu l’habitude aussi quand même. Bon en Europe c’est un peu différent mais aux Etats unis ça fait plus de 30 ans qu’on en bouffe et les américains ont leur problème, obésité tout ça, mais enfin ce n’est pas lié aux OGM. Si ça posait un gros problème de santé d’une manière ou d’une autre, aujourd’hui on le saurait, on a assez de millions d’individus qui sont concernés pour qu’on ait des chiffres.

M : Tout à fait. Je veux dire si il y avait un problème intrinsèque aux OGM, on l’aurait vu parce que les américains en mangent, que le bétail en mange, y compris le bétail européen parce qu’on importe des OGM, notamment du soja OGM pour nourrir les vaches suisses ou françaises. Mais il n’y a pas de raison, comme je disais toute à l’heure. Les OGM sont pas une catégorie qui fait sens. Il n’y a aucune raison mécanistique si je puis dire, aucune raison en sachant ce que c’est de penser que les OGM puissent faire un problème de santé. En soi, les OGM c’est le résultat d’une technique, mais cette technique on peut faire toute sorte de choses avec, je pourrais faire qu’un OGM exprime une plante qui produise du venin. Ce serait un peu débile mais je pourrais. Je pourrais aussi exprès vendre au marché des amanites tue-mouche mais personne ne le fait. Donc en principe on fait des choses qui sont pas mauvaises mais après pour les Etats-Unis, alors d’une part on voit que l’opposition aux OGM est beaucoup moins dominante qu’en Europe, d’autre part elle existe quand même mais on voit qu’il y a des études de sociologie et on peut les corréler avec toutes sortes d’autres théories du complot et opposition au monde moderne. Donc c’est les mêmes gens qui sont opposés au vaccin, qui pense que l’attentat du 11/09 c’était un complot etc. etc. C’est assez corrélé tout ça. [Note pour re-préciser le contexte de cette remarque : cela concernait spécifiquement l'opposition radicale aux OGM aux Etats-Unis, et c'est documenté, voir ici. Cela ne concernait pas tous les opposants aux OGM partout.]

A : Ok.

M : Donc, c’est des gens qui n’ont pas confiance dans ce qu’on dit officiellement et donc cherche une vérité alternative, vérité le mot est pas très bien choisi, cherchent une information alternative et puis pour beaucoup il y a cette (je sais pas comment dire en français) “fallacy”, erreur de logique qu’on a, naturaliste, de penser, si ça m’a l’air naturel c’est bon, si ça a pas l’air naturel ce n’est pas bon. A nouveau les études montrent que ce qu’on pense être naturel c’est ce qu’on connait depuis longtemps parce qu’il n’y a rien qui est naturel autour de nous, je veux dire aucune des choses qui sont dans vos jardins sont naturels.

A : C’est vrai, c’est peut être bien de le rappeler, les chiens et les chats sont le produit de la sélection naturelle, les carottes survivrait pas sans intervention humaine, les trucs qu’on croit être naturel comme le maïs. Je me rappelle d’une photo de téosinte sur SSAFT, le blog de Taupo, c’est une espèce de machin imbouffable, il a vraiment fallu des milliers d’années d’hybridation et de sélection artificielle avant que ça commence à ressembler à quelque chose. Mais c’est vrai qu’on y est tellement habitués qu’on a l’impression que c’est naturel.

M : Et c’est plus profond que ça, c’est-à-dire que si vous voulez trouver de la forêt vierge non touchée par l’homme, dite primaire, il ne faut pas juste aller au fond de l’Amazonie. Il faut aller le plus loin possible et faire encore trois ou quatre jours de trek. C’est à dire que même ce qui vous parait être de la foret vierge, là où vont les documentalistes, c’est quelque chose qui a repoussé après avoir été détruit par l’homme. Peut-être détruite il y a 100 ans, peut être il y a 200 ans mais qui n’est pas primaire. Il n’ y a plus de foret primaire en Europe. Aucune, on a tout détruit au moins une fois et toute la faune et la flore autour de nous, on a déjà modifié. Dans nos rivières d’Europe de l’ouest on a des carpes elles ont été introduites par les romains à partir d’Asie mineure.

A : Ça fait un moment qu’on joue avec le feu.

M :  Et je vois des publicités, voilà c’est une canette d’une boisson toute naturelle. Euh à mon avis les canettes poussent pas sur les arbres, la boisson, les ingrédients ils se sont pas mis tout seul en sautant dans la nature, donc rien n’est naturel là dedans, le mélange est pas naturel le fait que ce soit une canette n’est pas naturel, donc la perception du naturel c’est complexe, c’est quelque chose pour les sociologues. Je ne sais pas mais en soi rien de ce qu’on mange n’est naturel sauf si vous décidez d’aller vivre au fin fond des bois et que vous mangez que des fruits que vous cueillez vous même, des fraises des bois mais bon courage pour passer l’hiver.

A : Ouais c’est probablement le meilleur moyen de mourir de faim. Ou de s’empoisonner. Ok, mais quand même si un OGM produit son propre insecticide, il est forcément mauvais pour la santé, enfin un insecticide c’est par définition toxique. Aussi pour l’humain non ?

M : Alors oui et non. C’est à dire que nous on n’est pas des insectes. Donc on est capable de faire des insecticides relativement spécifiques, quand on dit spécifiques c’est sur que les insectes sont des animaux nous on est des animaux c’est difficile de faire quelque chose qui va être très mauvais pour les insectes et absolument inoffensif pour nous. Ce qui va différencier c’est la dose. C’est-à-dire que nous on va tenir une dose beaucoup plus grande que l’insecte donc une petite dose va tuer l’insecte quand une grande dose nous tuerait. Quand une grande dose, pardon, ne tue pas. Mais ensuite on met toujours des insecticides, il n’y pas de culture, il n’y a pas d’agriculture sans insecticide. Ça n’existe pas. Alors comment on met l’insecticide et lequel on met, c’est ça la question. Quand l’insecticide est par l’OGM, on contrôle la quantité finement on en met beaucoup moins parce qu’il est là où on veut, si je pulvérise l’insecticide j’en mets partout, si je le fais OGM je le fais s’exprimer qu’il soit actif à l’endroit où l’insecte va manger. Et au moment où l’insecte va manger donc je peux en avoir moins plus tard, donc ensuite oui il y a un léger risque mais il faut aussi savoir que dans tout ce qu’on mange il y a un risque. Toutes les plantes qu’on connait, ça fait des centaines de millions d’années qu’elles vivent à coté des insectes, et que les insectes essaient de les manger, les plantes n’ont pas envie d’être mangées. Donc toutes les plantes ont développé des insecticides, toutes les plantes expriment des insecticides [Excellent article "Dietary pesticides (99.99% all natural)"] et en fait ces problèmes là, ils sont pas tant pour le consommateur, à partir du moment où vous avez une alimentation variée, il n’y a aucun de ces produits qui va s’accumuler en grande quantité chez vous et c’est pas très dangereux. Par contre les agriculteurs qui manipulent beaucoup les plantes ça peut être un problème, donc tous les ans il y a des dizaines d’ouvriers agricoles hospitalisés aux Etats-Unis parce qu’ils ont trop cueilli de pommes de terre céleri [Mea culpa ! voir ici], et que les pommes de terre le céleri produisent des substances dangereuses, c’est pas dangereux pour vous qui mangeaient des pommes de terre du céleri de temps en temps, mais c’est dangereux pour quelqu’un qui passe des mois à ne faire que ça, ceuillir du céleri des pomme de terre.

A : Mais donc là on ne parle même pas d’insecticide qu’on aurait rajouté.

M : Non non, là c’est naturel.

A : Ok.

M : C’est la pomme de terre le céleri qui veut se défendre contre les insectes. Et l’ouvrier agricole est une victime collatérale. Mais toutes les plantes font ça, le tabac c’est un insecticide qu’il produit, mais c’est très courant. La caféine, c’est un insecticide.

A : Absolument.

M : La caféine que nous on apprécie; et toutes les plantes se défendent contre les herbivores. Et nous quand on dit herbivores on pense vache mais du point de vue d’une plante; le plus gros herbivore c’est les insectes. Les insectes herbivores c’est leur problème principal. Donc ils sont dans une course aux armements avec les insectes herbivores depuis que les insectes et les plantes existent c’est-à-dire quelques centaines de millions d’années. Donc oui, idéalement on mangerait sans insecticide mais il faudrait le faire dans des conditions où il n’y a pas d’insectes, donc si il y a des gens qui veulent éliminer tous les insectes de la terre, qu’ils se manifestent, et puis on sait pas faire, donc il y en aura toujours, il y en a beaucoup moins dans l’OGM, d’insecticides, parce qu’on maîtrise la quantité exactement.

A : Ok, ben puisqu’on en est au chapitre des insecticides profitons en pour ouvrir un volet environnement, là je ne vais pas y aller par 4 chemins, est ce qu’on sait si le maïs BT donc, c’est un OGM, qui contient son propre insecticide est plus ou moins bon pour l’environnement, que les pulvérisations d’insecticides sur le maïs non OGM du champ d’à coté, voir bio.

M : Alors par rapport au bio, je ne connais pas d’études. Par rapport aux pulvérisations, d’abord il y a eu une étude, une seule, que je connaisse qui a montré que le maïs BT pouvait poser des problèmes à d’autres insectes que ceux qui sont cibles en grande quantité. Ils ont mis des quantités énormes en laboratoire, et ça pose problème. Ils ont également montré que dans la nature, à coté du champ de maïs BT, un peu de maïs allait dans l’habitat de ces insectes. Mais dans cette étude ils n’ont pas comparé à ce qu’il se passe quand on pulvérise. Le BT c’est ce qu’on pulvérise en bio aussi. Le BT qui est dans le maïs BT. Simplement au lieu de mettre la molécule dans la plante on pulvérise directement la bactérie qui contient la molécule.

A : Ok.

M : Je ne connais pas moi de comparaison directe j’ai jamais vu d’étude qui montre non plus, j’ai cherché à un moment donc à un moment comme je parlais des OGM sur mon blog, j’ai cherché à équilibrer, comme tu disais je n’ai pas de billes dans ce jeu donc j’ai cherché à équilibrer, j’ai vraiment cherché des articles qui montrent, scientifiquement fondés, des problèmes avec les OGM, c’est très très dur. J’ai demandé aussi à un collègue qui fait de la recherche en écologie s’il y avait des références, il ne m’en a pas donné. Donc j’ai trouvé cette étude tout seul. Mais j’ai pas trouvé d’études qui montre vraiment un problème dans l’environnement. Par contre, ce qu’il y a récemment c’est pas avec les insecticides c’est avec les plantes qui sont résistantes à un herbicide, on tue aussi beaucoup d’autres herbes, c’est-à-dire qu’on modifie nos plantes pour qu’elles soient résistantes à un herbicide, ensuite on met l’herbicide, l’herbicide qui est général, c’est-à-dire qu’il tue toutes les herbes, devient spécifique parce qu’on a rendu une plante résistante. Donc il tue toutes les herbes sauf celles qu’on veut, ce qui est très bien pour l’agriculteur qui doit mettre beaucoup moins d’herbicide, donc moins dépenser, moins faire de sortie avec son tracteur qui dépense de l’essence, moins mettre de produit dans l’environnement mais par contre c’est un herbicide très large, donc ça tue certaines herbes qui sont nécessaires notamment au papillon monarque. Donc là il y a un impact qui est un impact d’utiliser beaucoup cet herbicide en fait. Donc si on utilisait un autre herbicide je ne sais pas le contrôle a pas été fait, que les Etats-Unis prennent une route différente en agriculture il y a 15 ans, peut être que de toute façon avec l’agriculture intensive on aurait menacé ce papillon, c’est très très difficile à savoir. Et le papillon n’est pas en soi menacé, ce qui est menacé c’est les populations dans ces régions là. C’est-à-dire que le papillon monarque lui même au niveau mondial il n’est pas en voie de disparition, mais ça peut avoir des impacts comme ça. Mais je pense que ça c’est un impact et c’est une question qui se pose sur les OGM, plus les problèmes de monoculture et d’avoir une seule approche que des OGM. Parce qu’à partir du moment où on a une seule approche qui couvre des millions d”hectares alors tout petit problème monte en échelle. Ce n’est pas un problème spécifique des OGM. Il y a un rapport qui est sorti ce soir sur le blog du CNRS, sur le fromage comté AOC dans le Jura français. Et comme c’est beaucoup plus rentable pour un paysan du Jura français de faire du comté AOC que de faire autre chose, ils en font tous. Comme l’AOC a des règles très strictes ils suivent tous les règles donc ils font tous exactement pareil, il y a pas d’OGM impliqué c’est au contraire de la tradition réglementée, mais comme tous les prés fonctionnent de la même manière que tous les élevages fonctionnent de la même manière, il y a certaines espèces de campagnols qui prolifèrent beaucoup trop, qui en retournant la terre permettent à certains champignons nocifs de proliférer, qui  dérangent d’autres espèces et en fait on met en l’air l’écosystème aussi et la biodiversité. Ils suivent ça depuis les années 90, ça fait 20 ans, la biodiversité baisse à cause du comté AOC. En fait le problème bien sur ce n’est pas le comté AOC, le comté AOC c’est très bon mais le problème c’est que si on fait un seul type de culture sur une grande région on va poser problème et ça c’est vrai que ce soit OGM ou pas OGM.

A : Ce n’est pas un peu pire avec les OGM, non ? On a cette impression comme ça dans le grand public.

M : Je pense qu’on a cette impression pour deux raisons, l’une c’est que comme un OGM, une nouvelle technologie c’est toujours un investissement au départ. Les premiers à avoir acheté des tracteurs c’étaient des grosses fermes. Et les premiers à avoir acheté des OGM, c’est aussi des grosses fermes. Parce que c’est plus cher à l’achat et en plus on a développé les OGM là où c’est rentable, c’est-à-dire sur des choses qui se font en grande culture. Quand vous développez pour la première fois une nouvelle technique, vous la développez pas pour un marché de niche vous la développez pour le marché le plus grand possible, donc, le maïs, le soja, les marchés gros où beaucoup de gens ont les moyens d’acheter vos graines. Donc c’est là où il y a des monocultures que les OGM sont arrivés. C’est un peu dans l’autre sens, il y avait déjà des monocultures sur les champs de maïs dans le Midwest américain, ça date pas des années 90, on trouve ça depuis très longtemps et c’est là que les OGM étaient rentables. Et l’autre problème c’est, comme on disait toute à l’heure, comme c’est très cher de développer un OGM avec tous les tests de sécurité que ça implique très peu de compagnies en développent, très peu de diversité, très peu diversifié. Donc si je suis un paysan américain et que je veux acheter une plante pour laquelle je peux utiliser un herbicide qui n’est pas dangereux et dont je dois en mettre peu, je dois acheter un seul OGM c’est celui de Monsanto. Qui a une seule variété, c’est tout [en fait il semble qu'il y en ai plusieurs, mais je ne trouve pas le nombre exact]. Si je veux acheter une plante qui produit son propre insecticide donc moi je n’ai pas besoin de pulvériser d’insecticide, ni dans l’environnement, ni sur moi, ni sur mes ouvriers agricoles, ça me coûte beaucoup moins cher, c’est moins mauvais pour ma santé, j’utilise moins mon tracteur j’ai une seule possibilité c’est Monsanto. Alors que les autres on les laisse pas développer, mais du coup ça diminue la diversité c’est sur, mais en soi c’est pas les OGM, c’est parce qu’il y a une technique qui est tellement meilleure que les autres et que les autres on les laisse pas arriver. C’est un peu comme un moment donné les ordinateurs, il y avait que des PC sous Windows c’était tellement difficile de rentrer dans le marché. Ce n’est pas qu’en soi l’informatique oblige à une uniformité, c’est qu’à un moment Windows dominait mais comme il n’y a pas de règlements qui a empêché d’autres gens d’entrer dans le marché, maintenant ça s’est beaucoup plus diversifié. Puis de toute façon maintenant le système d’exploitation de l’ordinateur c’est égal parce qu’on va par le web.

A : C’est très juste.

M : Mais c’est très similaire, c’est-à-dire que là on a quelque chose qui est dominé par une seule compagnie parce qu’on ne laisse pas les autres s’imposer.

A : Un des arguments qu’on entend souvent dans le camp anti OGM c’est quand même celui de cette perte de la biodiversité. On a un commentaire de Martial de Montmollin qui nous a été remonté par Xavier Durussel qui disait : “les OGM impliquent une diversité génétique très restreinte des plantes cultivées, souvent des clones donc une sensibilité plus grande aux maladies émergentes et la favorisation des résistances. Cette critique concerne également les semences non OGM à très faible diversité génétique”. Comme tu viens de le dire mais, c’est vrai ça ? Est ce qu’utiliser des OGM ça implique des clones ?

M : Ça dépend comment on les fait. On peut faire des OGM de plein de manières différentes. Pour l’agriculture intensive en générale,  on a intérêt à utiliser des clones, c’est-à-dire que l’agriculture intensive c’est une industrie. A nouveau, comme tu l’as dit au début, je ne suis pas spécialiste mais bon c’est assez facile à comprendre. Si je fais quelque chose à grande échelle je veux que ce soit reproductible, je veux que ce soit prévisible, je veux que tout ça marche pareil. MacDo utilise une seule variété de pommes de terre pour leurs frites parce qu’ils veulent que ça marche toujours pareil. C’est une industrie, un petit cuisinier d’un restaurant sympa n’est pas obligé d’utiliser toujours la même variété de pommes de terre. Donc quand vous avez des fermes à grande échelle, quand vous avez de l’agriculture intensive, vous avez intérêt à utiliser des choses qui vont toujours marcher pareil, qui sont très prévisibles, qui vont germer en même temps, qui vont réagir de la même manière à vos produits etc. donc vous n’avez pas acheté de la biodiversité parce que peut être c’est mieux dans 10 ans mais vous voulez faire des sous cette année. Ça c’est un problème de l’agriculture intensive en soi et d’ailleurs dans la remarque que tu viens de me lire, il disait “qui n’est pas spécifique des OGM”. Donc ça c’est assez typique, c’est-à-dire que c’est une réaction à une discussion sur les OGM, mais c’est un problème pas spécifique des OGM. Alors pourquoi c’est dans une discussion sur les OGM ? Qu’est ce que ça fait dans une discussion sur les OGM si ce n’est pas typique des OGM ? Qu’est ce que ça avoir avec les OGM ? Si on arrête les OGM ça va être pareil, si vous allez dans les plaines de la Beauce en France, il n’y a pas de diversité, c’est toujours la même variété de blé dans un champ. Parce que c’est rentable c’est des grosses exploitations qui sont rentables, et bon, rentable ça fait un gros mot pour certains mais c’est grâce à ça qu’on ne meurt pas de faim. Je veux dire les paysans gagnent leur vie et on a assez à manger. Jusqu’au 19ème siècle les famines c’était encore quelque chose d’assez courant en Europe. Dans les années 1870 on pensait encore que ce serait jamais possible de nourrir tous les paysans allemands, il y en avait trop, ils seraient toujours pauvres, ils auraient toujours faim. Bon, les paysans allemands de nos jours je pense que ça va, et les autres allemands aussi ! Avec beaucoup moins de proportion de la population qui est paysanne. Donc il y a des défauts, c’est toujours pareil c’est toujours un risque/bénéfice, c’est toujours un trade off, comment on dit en français.

A : Un compromis.

M : Un compromis, mais les OGM ils ont pas grand chose à voir avec ce compromis. Alors si je veux me faire l’avocat du diable, si on laissait les biologistes moléculaires des plantes développer ce qu’ils ont envie, et quand je visite leur labo ils ont plein d’envies et ils sont très frustrés qu’on les empêche. Eux ils sont au courant de ces problèmes, ce sont des biologistes c’est pas des industriels, ils aimeraient bien développer des choses avec plus de diversité, on a des techniques moléculaires aujourd’hui qui permettent de générer automatiquement de la diversité. Donc on pourrait faire des OGM où dans votre sac vous avez directement un mélange qui a de la diversité génétique sur la plupart des traits, mais les traits importants pour le paysan sont uniformes. On saurait techniquement faire ça aujourd’hui, mais c’est interdit. C’est interdit en Europe et aux Etats-Unis c’est possible mais c’est tellement cher que ça ne vaut pas le coup, et de toute façon vous aurez des oppositions énormes. En Floride récemment  ils ont des problèmes, toutes les oranges sont en train de mourir, ils ont cherché pendant des années un moyen par des croisements, par de l’agronomie classique de faire des oranges résistantes à la maladie, ils n’y arrivent pas. En passant un gène d’épinard ça devient résistant.

A : Ok.

M : Ça fait une levée de boucliers énorme parce que le jus d’orange de Floride aux USA, c’est une institution. Donc comme ça vient de l’enfance des gens, de l’enfance de leurs parents, de l’enfance de leurs grand-parents, ça rentre dans la catégorie de ce qu’on attend être naturel même si c’est pas du tout naturel d’avoir des oranges en Floride et que c’est encore moins naturel de l’emmener à l’autre bout du pays en camion. C’est pas grave c’est naturel donc on va pas faire un jus d’orange OGM, c’est horrible même si les gens disent à leurs enfants de manger des épinards et que c’est un gène d’épinard, c’est pas quelque chose d’extraordinaire, donc on a les solutions mais tant qu’on les bloque on peut pas arriver. Mais la diversité on peut la faire.

A : Pour revenir à la question de l’environnement et puis du maïs BT, on se demande quand même si c’est des biologistes qui sont derrière parce que d’un autre coté la sélection naturelle continue de dicter les règles du jeu, on a vu dernièrement je crois que c’est la semaine dernière qu’un papier est sorti sur des insectes qui sont devenus résistants au maïs BT c’est un truc qu’on aurait pu prévoir non ?

M : On l’avait prévu.

A : Mais qu’est ce qu’il s’est passé alors ?

M : Il s’est passé que les biologistes dans les universités l’ont prévu mais on est ni au contrôle de Monsanto, ni au contrôle de grandes fermes.

A : Ok, donc les biologistes l’ont prévu mais on les a pas écoutés.

M : Ben non, je veux dire, de même que les informaticiens peuvent prévoir des problèmes de piratage de logiciels ou de bugs mais que ce n’est pas Microsoft qui va les écouter. Donc Monsanto c’est Microsoft. Je n’ai pas non plus particulièrement de sympathie pour Monsanto, c’est une grosse boite qui fait des bénéfices qui veut continuer à faire des bénéfices et si on leur dit “ben dans 15 ans ça marchera plus mais pendant ces 15 ans vous allez faire des bénéfices records” c’est tout choisi quoi. C’est très clair, et si on dit à Microsoft que votre logiciel il est buggé mais vous allez en vendre des millions ils le vendent, donc c’est très clair ça.

A : La comparaison est très parlante. Si on revient un petit peu sur l’environnement, le problème de la contamination. Alors ça c’est un argument anti OGM qui revient tout le temps. Avant de parler du champ du voisin, ben regardons dans une perspective un peu global. Donc voilà encore un commentaire qui nous a été envoyé par Martial de Montmollin qui est président des Verts Vaudois, donc pour nos amis français, ça veut dire qu’il fait de la politique dans un parti écologiste. Il est de formation scientifique, il est ingénieur forestier, il est passionné de science et de philo, juste pour situer un peu le personnage et puis donc il nous dit : “On introduit dans la nature des gènes et/ou des combinaisons de gènes qui ne s’y trouvent pas à l’origine. Or une dissémination de ces gènes est possible, non seulement au sein de l’espèce (par exemple entre la variante sauvage et l’OGM d’une même espèce), mais également entre les espèces (il y a de nombreux exemples en biologie). Le risque est donc que la dissémination devienne hors de contrôle et ait un impact important sur la biosphère. En guise d’analogie, on peut penser aux nombreuses espèces déplacées d’un continent à l’autre, souvent pour de bonnes raisons, et qui sont devenus invasives et qui implique que nous n’avons maintenant presque plus d’ormes (à cause de la graphiose originaire d’Amérique), que des pans entier de montagnes sont colonisés par le Buddleia (p.ex. en-dessus de Villeneuve), que de très sérieux risques planent sur le frêne (à cause de la chalarose d’origine asiatique) et qu’un plan national doit être mis en place pour sauver le châtaignier (à cause du cynips également d’origine asiatique), etc., etc.Bref, pour gagner peut-être quelques francs à l’hectare, on prend des risques qui peuvent nous coûter très, très cher.”

M : A nouveau, on revient à la question des “on ne sait pas ce qui va se passer”. Donc, en pratique on voit pas cette dissémination, alors moi je pense que quand les OGM ont démarré c’était un des risques rationnels auquel on pouvait faire attention. De fait ça se passe pas. Je remarque aussi quelque chose d’assez paradoxal dans les arguments anti OGM c’est-à-dire qu’on nous dit régulièrement, d’un coté ce que vous faites n’existe pas dans la nature parce que vous mélangez des gènes d’autres espèces, et d’autre part on vous dit c’est très dangereux parce qu’après les gènes peuvent se balader, ça arrive tout le temps dans la nature. Alors faudrait savoir, les gènes bougent dans la nature ou ils ne bougent pas ? Faut être cohérent là. Mais à part ça, je pense que les espèces invasives c’est un très gros problème mais beaucoup plus gros, parce que les espèces ça se reproduit et ça se dissémine, ça on le sait très bien et vous ne trouverez pas de biologiste qui dit le contraire, mais en général les OGM qu’on fait il faut bien voir que c’est des choses qui nous arrangent nous, ça arrange pas l’espèce. De même que si je prends un pékinois et que je le balance dans les bois, il va mourir de faim assez rapidement, ce n’est pas un loup, la plupart des OGM de nos plantes domestiquées et de nos animaux domestiques, ils n’ont pas des traits très avantageux dans la nature, sans nous. Sans nous qui les aidons. Donc par exemple, on fait du blé ou du maïs qui fait des graines très grosses parce qu’on veut les manger. Donc ce qu’on dit à la plante c’est, “investi toutes tes ressources dans tes graines, t’occupe pas du reste”. Et le reste, c’est nous qui nous en occupons. Nous on s’occupe de tuer les insectes, nous on s’occupe de t’arroser, nous on s’occupe de te donner des fertiliseurs etc. Dans la nature, la plante elle doit répartir ses ressources. Il y a les graines, il y a le fait de pousser et d’atteindre le soleil, en concurrence avec les autres plantes, là il n’y a pas de concurrence, le champ il n’y a qu’une plante, il y a le fait de survivre quand il y a une période de sécheresse, il y a le fait de survivre à des insectes ou de les combattre en produisant un insecticide etc. Elle, elle doit répartir ses ressources, donc si je prends une plante qui produit des graines très très grosses, anormalement grosses, que je la mets dans la nature elle ne survit pas. On a un exemple récemment aux Etats-Unis, ils veulent commercialiser un saumon OGM, c’est le premier animal OGM. Qu’est ce qu’il fait ? Il grossit beaucoup plus vite. Ils ont bidouillé son hormone de croissance. Pourquoi ils ne grossissent pas aussi vite dans la nature ? Donc il y a des écolos qui ont dit “c’est dangereux parce que si il va dans la nature, il va être en compétition avec les autres, il va grossir plus vite et il va tous les tuer.” Non ce n’est pas vrai, ce n’est pas comme ça que ça marche dans la nature [Correction sur ce point : ce saumon présente un risque spécifique, voir billet de blog]. C’est dangereux de grandir trop vite, quand vous avez une période de disette vous mourrez. Les autres saumons ils grandissent pas si vite, pas si gros parce que ils doivent tenir un équilibre, ils doivent répartir leurs ressources, ils doivent pas seulement grossir avec nourriture à volonté et choix de la reproduction offerte par l’éleveur, ils doivent se battre pour trouver des proies, se battre avec d’autres prédateurs, se reproduire se déplacer, tenir le coup quand il fait trop froid, trop chaud, tenir le coup quand il n’y a rien à manger. Ces saumons-là quand on les mets dans la nature, ils sont morts en moins d’un an, c’est sûr. Finalement, il y a un mot que tu as utilisé et qui revient tout le temps dans la discussion sur les OGM et c’est un mot qui me frappe parce que quand on parle de contamination ça implique forcément quelque chose de négatif. Je dis pas que quand j’arrose mon herbe je contamine ma terrasse avec de l’eau, si je mets un peu d’eau sur la terrasse. Je dis pas que quand il y a des coquelicots qui sont rentrés dans un champ de blé, et regardez un champ de blé il y a toujours des coquelicots, c’est très joli, je dis pas que le blé est contaminé par des coquelicots. Même si les coquelicots ça se mange pas, donc quand on dit que quelque chose de non OGM est contaminé par un OGM, on implique que c’est mauvais donc en fait on braque la discussion. Ça a pas de sens si l’OGM n’est pas mauvais alors “contamination par les OGM” c’est une phrase qui n’ pas de sens en soi, ça veut dire quoi être contaminé par quelque chose qui n’est pas mauvais. Ça n'a pas de sens. Le seul sens que ça a comme je le comprends c’est une décision qui a été prise a priori, avant qu’on ait les éléments pour dire l’agriculture bio ne peut pas avoir d’OGM. On a pris cette décision avant d’avoir les éléments sur les dangers ou pas des OGM, sur leur utilité ou pas. On l’a pris très tôt. A partir du moment où on a pris cette décision, effectivement quelqu’un qui fait du bio ne peut pas avoir d’OGM mais ce n’est pas un problème des OGM c’est un problème de la définition du bio. C’est le même problème qu’on ne peut pas vendre de la viande halal si il y a du porc dedans, parce que ce n’est pas la faute du porc, c’est la faute de la définition du halal. Je peux pas vendre de la viande halal non plus si il y a du cheval, je peux pas vendre du casher si il y a du porc ou des crevettes mais ça c’est pas un problème qui fait qu’on devrait interdire partout le porc, le cheval, les crevettes, c’est un problème de définition du halal et du casher. Quelque part le problème du bio, qui est parti d’un très bon principe, en se mettant des définitions a priori qui sont quelque part libres de faits, libres d’éléments rationnels, se met dans une situation telle que quand le reste du monde change, comme ils ont fixé des règles qui ne sont pas ouvertes à la discussion et bien ils sont menacés par le reste du monde et la solution qui consiste à dire “moi je me suis fixé ces règles, le reste du monde ne doit pas changer parce que ça va me déranger” c’est comme si les amish voulaient interdire les voitures aux Etats-Unis, quelque part c’est pas possible.

A : Ouais, enfin d’un autre coté c’est une réalité avec laquelle il faut composer. Il y a des agriculteurs qui ont fait le choix d’être bio, qui se sont fait labelliser et qui se retrouve avec, qui perdent leur label à cause des contaminations des champs voisins, non ?

M : C’est possible, je suis pas ça de très près, je veux dire c’est les label bio qui prennent la décision. Moi je suis ici en tant que scientifique, en tant que scientifique j’ai rien à dire sur comment on fait un label bio, quelque part c’est du commerce sur le label bio, c’est essentiellement un truc de marketing donc si quelqu’un veut mettre un label bio ou pas et que ça interdit quand il y a une graine d’OGM qui est tombé dans le champ, c’est pas mon problème. Mon problème c’est d’expliquer ce que c’et un OGM, comment c’est fait, quels risques ça a, quels risques ça a pas, si ça a pas de risques moi je vois pas le problème. Comme je ne vois pas le problème de manger de la viande de porc si elle est bien cuite. Maintenant si quelqu’un ne veut pas ne manger, c’est son choix mais ce n’est pas à moi de discuter de combien de % de porc fait de la viande pas halal.

A : Ouais mais ce choix justement est-ce qu’on l’a toujours ? J’essaie de me mettre dans les baskets des l’agriculteur bio qui se fait chier pour respecter le cahier des charges ?

M : Mais il y a plein de choix qu’on n’a pas. Si moi je faisais un choix : je ne veux manger que des plantes qui étaient originellement en Europe. Aucune plante qui a été apportée en Europe par les humains. Pas de maïs, pas de tomates, pas de poivrons, Ok ? Pas de blé, parce que le blé il vient d’Asie centrale [Croissant fertile, ma langue a fourché]. C’est là où il a été domestiqué. Je peux faire ce choix, ce choix il a une base raisonnable comme beaucoup de choix sur le naturel si on veut. Je ne pourrais pas le faire, je ne pourrais pas faire un jardin où je garantisse qu’il n’y aucune contamination de plantes. Supposons même que je dise juste l’ancien monde. Pas de plantes américaines. Ça va être impossible de faire à un endroit un champ ou je garantis que j’ai aucune contamination de maïs, de tomates, de poivrons etc. en Europe parce que partout ces plantes, elles sont là. Est ce que j’ai le droit de dire, comme moi ça me fait plaisir de faire ça, vous devez arrêter les autres cultures. C’est interdit le maïs, interdit les tomates, interdit les poivrons, parce que moi j’en veux pas, je ne veux pas la chance qu’une graine vienne dans mon jardin. Non, on n’accepterait pas ça, on n’accepterait pas parce que ça fait longtemps, on s’est habitués. J’ai oublié de nommer les pommes de terre comme truc qui est venu d’Amérique. Quand ces trucs sont arrivés, on en avait pas l’habitude ça a été très difficile de convaincre les gens de manger des pommes de terre. Maintenant on a l’habitude, c’est naturel de manger des pommes de terre, ça a pas été naturel, ça vient pas d’ici les pommes de terre. Les pommes de terre ça vient des Amériques. Donc je ne vois pas en quoi de mettre un label arbitraire dans un sous-groupe de la population peut empêcher tous les autres de faire quelque chose. Si il y a aucune base rationnelle. J’ai lu récemment sur internet que le ministre français de l’agriculture disait : “il faut refaire une discussion sur les OGM avec une base rationnelle”, mais on sait quelle sera la conclusion de cette discussion puisqu’on connait déjà les faits. On sait déjà, que les OGM commercialisés n’ont pas de risques, on sait déjà comment ça marche. Donc sa discussion ça va être pour passer du temps mais au bout du compte on connait les résultats. Il n’y a aucune base rationnelle à, en général, interdire les OGM. Peut être qu’il y un OGM qui pose problème, c’est sûr si on ne développe pas assez d’OGM, un jour il y en a un qui posera un problème, c’est obligé si on fait assez de médicaments, il y en a un qui a des effets secondaires indésirables. Ce n’est pas pour autant qu’il faut interdire tous les médicaments, à tout jamais.

A : L’heure tourne je crois que ça fait déjà presque une heure qu’on a commencé, on ne voit pas le temps passer, je propose qu’on avance un peu parlons de l’éléphant dans la chambre, Monsanto. Il me semble qu’il y a un peu un amalgame dans l’esprit des gens entre OGM et Monsanto. Monsanto, c’est le diable ?

M : Moi je ne suis pas économiste, pour beaucoup de gens ça a l’air d’être le diable, j’ai jamais vu de raisons objectives pour ça. Je sais qu’il y a un documentaire qui a eu beaucoup de succès qui disait beaucoup de mal de Monsanto “The world according to Monsanto”. Donc après, pourquoi Monsanto c’est le diable en ce moment je ne sais pas, à un moment c’était Nestlé, je peux dire qu’à un moment j’ai milité pas mal dans les droits de l’homme et toutes les grosses multinationales font des choses horribles, elles ont toutes fait assassiner des syndicalistes dans les pays du tiers monde, je veux dire des choses vraiment horribles. Total, Coca-Cola, Nestlé, toutes. Pourquoi Monsanto en particulier ? Je n’en sais rien.

A : Ils font breveter le vivant ? Par exemple ?

M : Alors ça c’est quelque chose je suis contre, personnellement. C’est une discussion qu’on peut avoir, est-ce qu’on peut breveter le vivant ou pas. C’est-à-dire que c’est une question générale. D’un coté il y a des gens qui disent, et ils n’ont pas totalement tort, que c’est très très difficile d’innover et de faire du progrès sans protection des brevets, d’un autre coté moi je constate, en tout cas dans ce que je connais, beaucoup d’abus des brevets. Donc que ce soit en génétique ou en informatique les brevets me semblent plus être une force négative que positive, mais je sais pas, je suis pas super compétent mais disons, c’est clair que par exemple que quand une compagnie brevette un gène humain, le test sur un gène humain, le BRCA1 de dépistage du cancer et fait que ce test est plus cher que de séquencer tout le génome de la personne, il y a un gros problème. Ça a été récemment annulé par la cour suprême américaine qui a quand même dit que le gène n’était pas brevetable mais le produit du gène est brevetable, ce qui est complètement absurde parce que le produit des gènes aussi il existe dans la nature. En principe, on peut breveter un processus mais pas un produit naturel. Les plantes qui sont produites par la biotechnologie c’est ambigu, moi, je serais personnellement pas très favorable à leur brevet mais je pense c’est une question un peu différente. Mais de toute façon faut être clair, comme toutes les choses dont on discute, ce n’est pas spécifique aux OGM. On peut breveter une plante hybride, on peut breveter un mutant obtenu par mutagenèse non dirigée. Ce n’est pas spécifique aux OGM.

A : Ok sur Monsanto, toujours il y a la question des changements économiques que ça suppose, encore un extrait que nous a envoyé Martial de Montmollin, il nous dit : “Les OGM changent les structures économiques de l’agriculture par une brevetisation accrue des cultivars [=variétés cultivées] entre quelques mains jusqu’à un oligopole. Théoriquement, c’est aussi le cas avec la sélection. Mais cette dernière peut être réalisée par n’importe quel agriculteur, ce qui n’est pas le cas de la technologie OGM qui nécessite de grosses structures.”

M : Alors c’est vrai que toutes les approches plus technologiques ont tendance à concentrer, c’est-à-dire qu’elles peuvent être faites que par des grosses compagnies. Mais c’est vrai aussi de la mutagenèse non dirigée, les hybrides en générale, il faut en croiser beaucoup, je veux dire, le développement d’un hybride qui est réellement utilisable, c’est 20-30-40 ans de R&D [probablement un peu moins en moyenne, je me suis emporté à l'oral], c’est énorme, c’est pour ça que ces compagnies passent OGM parce que c’est plus efficace, pas juste par méchanceté. Donc ce n’est pas quelque chose qu’un agriculteur peut faire. Il peut effectivement croiser deux variétés, en pratique il va pas le faire la plupart du temps, en pratique il va acheter les graines F1 c’est-à-dire que si je fais un hybride je croise plante 1 par plante 2 j’obtiens la descendance qu’on appelle F1 parce que c’est la première, “1″ parce que c’est la première lignée, la première génération après le croisement, et elle, elle a le mélange des traits que je veux. Si je recroise ceux là, par les règles de la génétique mendélienne, j’en aurai plus qu’1/4 1/2 [sérieux, personne n'a relevé cette erreur ?] qui a les traits que je veux, donc je le fais pas, je rachète les graines l’année suivante. Et qui a les moyens de refaire ces graines tous les ans ? C’est des compagnies. Ensuite quand même quelque chose que dit Martial de Montmollin, la technologie OGM qui nécessite de grosses structures, il faut se rendre compte que la biologie est en ce moment la science qui bouge le plus vite. Ça change très très vite et ce qui nécessitait des très grosses structures il y a 20 ans, ne les nécessite plus aujourd’hui. Il y a un mouvement en Californie autour de la sillicon valley de “biology do it yourself“, biologie à faire soi même. Ils veulent s’installer dans les garages et faire de la biotechnologie à petite échelle. On peut discuter du danger de ça, parce que perso je ferai plus confiance à Monsanto qui a des règles de sécurité, qu’à des allumés dans un garage en Californie mais ça montre que c’est techniquement faisable. A petite échelle, nous, on fait des TP avec des étudiants qui sont en bachelor, en licence pour les français, on fait des techniques d’OGM, c’est pas si gros, c’est pas si cher aujourd’hui, c’est pas vrai, ce qui est gros et cher c’est les tests de sécurité imposés par les règlements mais de faire un OGM aujourd’hui c’est pas si compliqué. Alors après, à nouveau, on tombe dans le fait qu’OGM c’est juste une technologie, que ça dépend ce qu’on veut en faire. Certaines applications des OGM vont être très facile à mettre en œuvre, d’autres vont être très difficiles. Certains gènes se laissent facilement transporter, d’autres plus difficilement, certains traits sont dûs à un seul gène donc c’est facile de trouver le gène, certains traits sont dus à plusieurs gènes, il faut les combiner, certains traits on peut bouger au sein de la même espèce entre variétés, certains il faut chercher une espèce différente, certains traits vont faire des effets secondaires. Ce dont parlait Martial de Montmollin et aussi Pierre-Henri Guyon qu’il peut y avoir des interactions, c’est vrai dans le vivant il peut y avoir des interactions, si je mets un nouveau gène il peut se passer quelque chose d’inattendu donc faut le vérifier. Certains types de fonctions vont beaucoup moins se prêter à ces interactions que d’autres donc c’est clair que certaines choses seront plus faciles à faire, d’autres plus difficiles mais c’est un peu comme dire “il faut interdire les voitures parce qu’il y a que les grosses compagnies qui peuvent fabriquer des voitures”. Dans le temps on pouvait avec une hache et du bois fabriquer une charrette, c’est vrai, mais ce n’est pas un très bon argument contre les voitures, les arguments contre les voitures ce serait plutôt qu’on peut se tuer sur la route et que ça pollue mais le fait qu’il n’y a pas tant de compagnies que ça qui peuvent fabriquer des voitures efficacement comme argument contre ça me parait faible.

A : Oui et puis il y a  cette question des tests que finalement on ne peut pas se payer quand on bosse dans un petit labo indépendant, enfin cette dimension là elle est vachement importante aussi.

M : Alors beaucoup des tests, enfin je veux dire ça dépend, si on parle vraiment au niveau réglementaire, c’est cher mais après des tests moi si demain je voulais monter un labo de biologie des plantes par exemple, ce que je ne fais pas, et que je voulais tester certaines plantes commercialisées par Monsanto, je pourrais le faire, c’est pas très très compliqué, je veux dire l’étude qu’a fait Seralini, si il avait fait un plan d’étude plus valable, ça aurait été tout a fait facile quoi.

A : Mais si tu voulais créer ta propre variété de plante et la mettre sur le commerce.

M : Ah non ça je ne pourrais pas non.

A : Ça ne serait pas possible.

M : Mais ce n’est pas spécifique à ce marché là, aussi pour les médicaments c’est pareil. Les médicaments il y a pratiquement que les très grosses boites pharmaceutiques qui peuvent les mettre au final sur le marché à cause des tests de sécurité et on a une situation similaire où les très grosses boites ont intérêt à garder ces tests parce que ça leur donne une situation d’oligopole. Par contre, comme il n’y a pas le même problème social dessus, qu’il n’y a pas le même blocage social, il y a beaucoup de petites compagnies, ce qu’elles font, c’est quand elles ont finalement quelque chose d’intéressant elles le vendent à une grosse.

A : Ah ouais d’accord

M : C’est à dire qu’elles développent des leads, c’est-à-dire des pistes, des débuts de médicament mais après elles le vendent à des grosses compagnies parce qu’il y a aucune compagnie de biotechnologie qui peut développer un médicament jusqu’au bout, c’est trop cher. Dès qu’on veut mettre des règles de sécurité on va avoir ces situations alors il faut savoir, est-ce qu’on veut vivre dans une société très très sure, ce qui est le cas aujourd’hui nous vivions dans une société très sure, mais dans ce cas là y a que deux compagnies au monde qui peuvent fabriquer des avions, il y a une poignée de compagnies qui peuvent fournir des graines, il y a une poignée de compagnies qui peuvent fournir des médicaments parce qu’à chaque fois on a mis d’énormes barrières qui sont pour la sécurité des gens, c’est pas arbitraire, soit, si on veut permettre à tout le monde de faire des choses comme “do it yourself biotechnology” alors on baisse les barrières, on aura beaucoup plus de diversité, on aura beaucoup plus de petits inventeurs, de petites compagnies, on aura beaucoup plus de choses locales et on aura beaucoup plus de dangers parce que là on aura un peu de tout et n’importe quoi. C’est un choix de société mais c’est un peu indépendant des OGM. Tant qu’on est dans un choix de société d’avoir une société très sure, personnellement j’ai des enfants je suis assez content de ce choix, alors il y a un prix à payer qui est ça ; que seulement certaines peuvent se permettre de développer des choses avec suffisamment de sécurité.

A : Ok moi j’ai encore deux trois thèmes à aborder, le premier que je te propose c’est la science, la science dans tout ça, j’ai l’impression qu’on entend des scientifiques très véhéments qui prennent part au débat, d’un côté ou de l’autre, mais finalement, assez peu de science. J’entends par là, peu d’études sérieuses, peu d’attitudes rationnelles et dépassionnées, peu de remise en question. Et j’ai envie de demander… Est-ce qu’un scientifique neutre, ça existe vraiment ? En tant qu’être humain qui fait de la science, n’est-on pas forcément biaisés par ses convictions ?

M : Alors si je dis qu’on peut être complètement neutre, je vais me faire clouer au pilori par mes collègues des sciences sociales, non on peut pas être complètement neutre. Ce qu’on peut, c’est être conscient de ses a priori et essayer le plus possible de s’établir des règles, c’est-à-dire c’est ce qu’on fait en science. Il y a une citation très célèbre de Feynman très célèbre physicien américain, qui dit à peu près : la première personne que l’on doit chercher à ne pas tromper c’est soi même (exactement Feynman dit The first principle is that you must not fool yourself — and you are the easiest person to fool). Donc on a toujours des biais mais si on essaie d’en être conscient on essaie de faire ce qu’on appelle des tests conservatifs, on essaye de se montrer à soi même qu’on a tort. C’est ce qu’on doit essayer de faire donc moi quand je vais vers les OGM, j’ai comme tout le monde une petite idée mais je regarde par exemple si je trouve des éléments qui montrent que les anti OGM disent des bêtises je vais chercher où est-ce que je trouve des références scientifiques qui disent que les anti OGM disent quelque chose de correct. Je constate que j’ai beaucoup de mal à trouver mais je cherche, je cherche activement, plus activement que des choses qui montrent que les anti OGM disent des bêtises parce qu’à un moment j’en trouve plein, facilement, c’est pas la peine que je cherche. Il faut chercher contre ses propres convictions, toujours. Et c’est une des choses, je ne connais pas personnellement Martial de Montmollin, pour ce que j’ai vu de lui sur internet il m’a l’air de quelqu’un très estimable, mais je vais peut être le vexer mais c’est un politicien. L’objectif d’un politicien c’est qu’il se fixe un agenda et il doit le remplir donc il cherche les choses qui vont confirmer son agenda, qui vont convaincre, les choses qui vont lui permettre d’avancer, c’est ça son objectif. L’objectif d’un scientifique c’est d’arriver à la vérité, même si elle nous vexe. Donc nous, on doit chercher à montrer qu’on a tort. C’est notre métier, on doit tout le temps se remettre en cause, on doit tout le temps montrer qu’on a tort, on doit tout le temps montrer à nos doctorants qu’ils ont tort. C’est très très dur de faire une thèse, je veux dire typiquement les gens tombent en déprime au milieu d’une thèse, c’est vraiment quelque chose de très difficile une thèse de science, c’est très difficile parce que c’est long et ça ne marche pas parce qu’on commence par essayer des choses puis on vous montre que vous avez tort, on vous remontre que vous avez tort. Et puis vous trouvez tout seul que vous avez tort parce que vous comprenez le truc et c’est ça qu’on doit faire donc un scientifique complètement objectif était hors du monde, idée de Platon, ça existe pas mais quelqu’un qui essaye le plus possible d’être honnête oui ça existe et c’est quasiment tous les scientifiques heureusement, alors ensuite il y a des gens qui ont fait une carrière de scientifique et ensuite décident de devenir militant et en fait, font une carrière seconde de militant.

A : En profitant de la caution.

M : Donc je mettrais par exemple Pierre-Henri Guyon dans cette catégorie, c’est quelqu’un, ce qu’il fait maintenant c’est du militantisme, il utilise le fait qu’il a fait de très bons résultats en génétique des plantes mais ce qu’il fait c’est pas de la science. Il cherche pas à trouver qu’il a tort, il cherche pas à remettre en cause ses idées, il cherche pas quand il y a un résultat contradictoire, il cherche pas à les remettre ensemble et trouver quelle est la raison, il accuse juste les autres d’être des vendus, des corrompus, de tricher etc.. Jamais il ne ré-analyse les données, jamais il ne ré-analyse ses résultats, jamais il ne remet en cause ce qu’il a trouvé, jamais il ne publie “tiens j’avais tort”. Moi plusieurs fois dans ma carrière, je suis pas si vieux, j’ai publié que j’avais tort, j’ai dit une chose puis j’ai trouvé que finalement j’avais tort, j’ai dit l’autre. C’est normal, c’est pas une honte, j’ai continué à faire carrière mais si on est militant, c’est une honte. Un militant qui vient et qui dit ça fait 10 ans que je me trompe comme Marc Lynas l’a fait, c’est un problème majeur. Et vous pouvez imaginer un ministre écologiste ou le leader d’un parti écolo ou n’importe quel autre parti ça m’est égal. En Suisse on a un parti qui est pas très favorable aux étrangers qui s’appelle l’UDC.

A : Que toute la planète connait malheureusement.

M : Alors tout d’un coup le leader de l’UDC qui dit “ben j’ai regardé les chiffres et en fait les étrangers sont bons pour l’économie”, ce n’est pas possible, ce n’est pas l’approche. Mais en science c’est ce qu’on doit faire tout le temps, donc je dirais oui on peut être objectif là dessus et il y a beaucoup de science mais c’est un peu comme le changement climatique, la science elle dit toute la même chose et les gens qui veulent qu’il y ait débat ça leur plait pas, donc les gens qui veulent qu’il y ait débat, ils vont ignorer la science parce qu’elle dit toute la même chose.

A : Justement j’avais préparé une question sur l’absence de consensus scientifique puis quand tu l’as relu ce weekend tu m’as dit : “il y a consensus scientifique”. On sait que dans ce débat sur le climat c’est Naomi Oreskes qui avait une méta recherche il y a quelques années, elle s’était rendu compte qu’en fait tous les papiers vont dans le même sens, il y a un consensus très clair, il y a juste une ou deux voix qui s’élèvent comme ça pour dire que le réchauffement climatique n’est pas d’origine humaine et les média s’en saisissent, on fait croire qu’il y a un débat alors qu’en réalité il n’y en a pas. Pour les OGM en fait tu me dis que c’est la même chose, il n’y a pas débat il y a consensus au sein de la communauté scientifique.

M : Il n’y a pas débat sur la grande question “est-ce que les OGM sont dangereux ?” après sur des questions précises, parce qu’il faut bien se rendre qu’une des choses qui nous caractérisent, nous les scientifiques, c’est qu’on adore pinailler sur des détails parce qu’on veut tout comprendre et pour tout comprendre, le diable est toujours dans les détails, donc en soi de dire “OGM” non ça ne présente pas un danger, maintenant un OGM spécifique dans une condition spécifique présente-t-il un problème spécifique pour une chose spécifique, c’est tout à fait possible et on continue à faire de la recherche dessus. Ce que j’ai cité sur les plantes résistantes au Roundup glyphosate qui font qu’on utilise beaucoup de glyphosate qui font qu’on élimine des herbes qui sont nécessaires au papillon monarque, c’est des études scientifiques faites par des scientifiques, publiées dans des journaux scientifiques récemment. Il n’y a pas de censure, il n’y a pas d’auto-censure, il n’y a pas de problème. Mais c’est un problème spécifique, c’est pas un problème qui dit : “les OGM sont mauvais”, donc on continue à faire cette recherche mais c’est pas une recherche qui va dire les OGM sont mauvais. Cette question-là elle est résolue. En soi les OGM ne créent pas un problème, il peut y avoir des problèmes spécifiques de même que un médicament spécifique peut poser un problème c’est pas pour autant qu’il faut arrêter la médecine. Et je t’avais dit quelque chose qui m’a frappé c’est que si on regarde les gens qui sont très actifs dans ce qu’on pourrait appeler la blogosphère ou internet sur le coté très rationaliste, très sceptique, très anti-superstition, très anti-pseudo-science etc… Ces gens-là sont tous opposés au mouvement anti OGM, je ne sais pas comment dire ça [exemple : plateforme scienceblogs]. Ça veut rien dire de dire pro-OGM, c’est pas des gens qui ont des actions Monsanto ou quelque chose comme ça mais simplement le mouvement anti OGM c’est un mouvement finalement, dans la façon dont il fonctionne aujourd’hui, ça pourrait changer si les gens décidaient de changer, mais dans la façon dont ils fonctionnent aujourd’hui c’est un mouvement qui est anti-empirique, anti-scientifique parce qu’il refuse de considérer les nouvelles données, parce qu’il refuse de tester ses idées, parce qu’il refuse d’écouter quand on leur montre des preuves ou des éléments de preuves, c’est un mouvement qui est anti science. Donc les gens qui défendent la science même si ce n’est pas leur problème principal les OGM sont tous opposés à ce mouvement. Si vous avez regardé sur des blogs qui se spécialisent dans le combat contre le créationnisme, qui se spécialisent dans le combat contre les dénialistes du changement climatique et vous chercher le mot OGM dedans vous trouverez toujours des billets qui disent “ah et puis ces imbéciles anti OGM ont dit ceci ou cela”. Ce n’est pas moi qui dit “imbécile” là, dans le contexte, je cite parce qu’ils ont souvent un ton assez …

A : Assez véhément

M : Assez véhément ces blogs et c’est complètement systématique. Au moment où le papier de Séralini est sorti et ça fait cette énorme histoire moi je bloguais pas sur les OGM, je suivais pas particulièrement des gens dans les blogs ou sur twitter sur les OGM. Tous les gens que je suivais sur les blogs et twitter que je suivais parce qu’ils parlaient de science, qu’ils parlaient de rationalité, ils étaient tous atterrés par cette étude, tous sans exception parce que c’est une étude tu la lis elle est nulle et le seul moyen de ne pas voir qu’elle est nulle c’est d’avoir une opposition aux OGM couplée à une absence d’ouverture à la science. Donc les gens qui font de la science ils voient ça ben voilà ils se sentent pas de sympathie à ce mouvement, on ne peut pas se sentir de sympathie à des gens qui nient l’évidence.

A : Seralini c’et un complet outsider. Par rapport à ce consensus scientifique.

M : Oui mais c’est comme sur tout sujet, on va toujours trouver quelqu’un, je veux dire il y a un docteur américain qui jusqu’à récemment était conseiller du gouvernement sud africain qui disait que le HIV ne cause pas le SIDA. Le VIH pardon en français. On peut trouver un physicien qui dit que le changement climatique n’existe ou n’est pas causé par les humains, on peut trouver, quelque part il y a un biologiste à l’INRA en France qui est créationniste. Je veux dire on trouve toujours un gars, aujourd’hui il y a plus de scientifiques vivants qu’il n’y a de scientifiques morts dans toute l’histoire de l’humanité, il y a des centaines de milliers de scientifiques en exercice. Vous voulez en trouver un qui dise quelque chose qui vous plait, vous trouverez. Mais ce n’est pas comme ça que marche la science. La science, elle marche, je ne dirais pas par consensus, le mot n’est pas bon, mais par une dynamique de groupe. En fait sur mon blog c’est une chose que j’essaie d’illustrer et j’ai parlé récemment, c’est pas des OGM, mais ça montre la dynamique, sur les cellules souches il y a eu un article publié en janvier qui disait qu’il y avait une technique révolutionnaire pour faire des cellules souches, ça a excité beaucoup de monde. Il s’est dit deux choses, c’est génial, premièrement, deuxièmement mais soyons prudent attendons de voir que ce soit confirmé, c’est vraiment l’attitude scientifique typique. C’est aussi enthousiaste vous aurez des scientifiques c’est : “waouh, faut qu’on confirme”. Et ça n’a pas été confirmé, et des fraudes ont été trouvées dans l’article, et tous les gens qui bossent sur les cellules souches qui étaient enthousiastes se sont mis à critiquer. Mais la semaine suivante ils ont essayé de reproduire, il y a un blog qui a regroupé tous les essais de reproduction c’était : négatif négatif ambigu négatif négatif négatif. Des gens se sont mis à examiner les figures et à publier sur internet les problèmes de fraude qu’il y avait dans les figures, c’est les gens qui bossent sur les cellules souches, c’est les gens qui ont intérêt à ce que ça marche ce truc. C’est des gens pour qui si ça ça marche c’est l’occasion de demander des nouveaux financements, de lancer de nouvelles thèses, d’obtenir de nouvelles collaborations avec l’industrie, c’est génial. Mais ils ont cherché à montré que ça marchait pas. Mais l’auteure principale du papier, les deux auteurs principaux, le grand chef et l’étudiante qui a fait le principal travail nient toujours, donc si vous voulez trouver quelqu’un qui dit que cette technique de cellules souches qui semble être frauduleuse marche, vous en trouverez. Mais la communauté en tant que telle dit non ca ne marche pas, on n’est plus convaincus, on a testé ça ne marche pas. C’est comme ça que ça marche la science. Donc si vous trouvez une personne qui dit quelque chose vous trouverez toujours, mais ce qu’il faut regarder c’est comment ça fonctionne en tant que communauté, et bien sur c’est plus facile pour un journaliste de compter les papiers et de dire 97% disent ceci ou cela, mais ce qui est plus important c’et de suivre la discussion. C’est pour ça que je pense qu’internet est clairement un outil génial pour la communication scientifique, c’est-à-dire qu’aujourd’hui vous pouvez voir comment les scientifiques discutent. Avant c’était caché. A l’époque de l’amiante, on n’a aucune idée de ce qu’ils se sont dits pendant la conférence, entre eux, au coin café. Aujourd’hui on discute sur twitter, sur des blogs, on sait. Et on sait que dans les 24h après le papier de Seralini tout le monde disait que c’était de la merde

A : Sauf Pierre-Henri Guyon

M : Sauf Pierre-Henri Guyon qui est dans le CRIIGEN qui a financé le truc, bon voilà, donc soit ils sont liés du départ, soit il voit bien. Et je veux dire, moi je bosse dans un département d’écologie et d’évolution et j’ai trouvé personne pour défendre ce papier, pourtant je pense que, j’ai pas de chiffres, je pense plus de la moitié vote Vert, c’est clair mais largement plus, mais quand c’est mauvais, c’est mauvais, c’est tout. Il faut respecter la science. Pour moi c’est un gros problème d’ailleurs parce que le mouvement écologiste, il est important, c’est important de préserver notre environnement mais si il s’allie à des forces anti-scientifiques c’est un très gros problème. Nous on peut pas cautionner ça, on peut pas être alliés avec ça. Bon y a aucun mouvement politique qui va respecter tous les principes de la science mais c’est vraiment pour moi un problème.

A : Pour en revenir deux minutes à Séralini, je me souviens ‘avoir entendu réclamer les données de son étude, parce que c’était pas du tout transparent, tu les avais obtenu finalement ?

M : Moi je les ai pas réclamé personnellement, j’ai signé une pétition qui demandait à ce qu’ils les rendent publics. A ma connaissance il ne les a pas rendu public, il les a fournit au journal. C’est quand même incroyable que le journal ait du faire une enquête pour avoir les données parce qu’elles devraient être fournies du départ. Mais il les a fourni au journal qui a dit il n’y pas évidence de fraude mais il n’y pas d’évidence non plus qu’il se soit passé quoique ce soit en fait. Voilà. Mais non, moi je n’ai pas demandé les données personnellement, j’avais signé une pétition publique disant, ces données si elles sont importantes pour l’humanité, si vraiment il montre ça, ça doit être public, tout le monde doit y avoir accès. Je veux dire c’est quand même incroyable de dire « j’ai montré qu’un truc qui est mangé par des millions de gens est mortel, donne le cancer mais je cache les données, Nanana ! » c’est incroyable comme attitude, c’est complètement invraisemblable “moi je ne montrerais pas mes données tant que Monsanto les montre pas” mais on s’en fout, si c’est mortel, montre nous les données ! Il y a aucun scientifique crédible qui ferait ça quand on trouve un risque, on le montre, c’est la première chose qu’on fait.

A : Cette espèce de culture du secret parce que c’est vrai que de pouvoir répondre moi je montre pas parce que Monsanto les montre pas. C’est quand même un truc de fou quoi, est ce que il y a toujours cette culture du secret dans ce domaine ? Est ce qu’il faut se battre pour obtenir les données coté pro ou anti OGM enfin sur les études OGM en général ?

M : Alors les études OGM en général celles qui sont académiques, non, il y a plein d’études OGM qui sont faites dans des labos universitaires dans des instituts de recherches publiques etc, non.

A : Donc elles sont pas toutes financées par Monsanto.

M : Non la plupart des études sont pas financées par Monsanto, maintenant des études qui se font au sein d’une entreprise, à nouveau, que ce soit Monsanto, Novartis ou quoique ce soit, ben ils ont financé l’étude, ils sont une boite privée, ils gardent les données pour eux. A partir du moment où ils rendent un produit public ils doivent rendre les données accessibles d’une certaine manière donc toutes les instances de régulation ont accès à toutes leurs données brutes et aussi Seralini y a eu accès. C’est assez hypocrite qu’il dise qu’il n’y a pas accès parce qu’il y a eu tellement accès qu’il a publié une analyse de ces données. Deux ans avant sa publication célèbre en 2012, il a eu accès aux données, il a publié une analyse. Donc on y a accès, si on les demande. Alors il y a eu un problème qui était assez scandaleux, que c’était difficile d’obtenir des graines OGM pour faire une analyse au labo, donc aux Etats-Unis les gens ont fait une pétition et ça a été retourné et donc aujourd’hui tout labo universitaire académique qui veut pour une étude quelle qu’elle soit, sans justifier, utiliser des OGM brevetés écrit et les obtient. C’est automatique.

A : Ok

M : Ça, ça a été mis comme règlement mais il a fallu se battre pour, mais c’est toujours pareil ils n’ont pas envie de montrer, pas plus que Microsoft a envie de montrer son code source.

A : Je crois qu’ils viennent juste d’ouvrir celui de Windows 3,1.

M : Voilà c’est parce qu’ils l’ont développé chez eux, avec leur sous ils veulent le cacher.

A : Ils ne voulaient pas qu’on voit les bugs surtout….

M : En l’occurrence c’est parce que si vous savez déjà ce qu’ils ont fait, c’est beaucoup plus facile de reproduire, bien sûr, mais en principe dans un monde idéal, toute la recherche serait toujours ouverte mais, à nouveau, par exemple, il n’y a plus aucune recherche publique faite sur les OGM en Europe ou quasiment pas à cause de Monsanto, à cause des faucheurs volontaires à cause des gens qui détruisent ces essais activement. Parce que c’est beaucoup plus facile, les essais publics mal protégés que de détruire les essais privés. En plus, les essais publics on vous dit où ils sont, on vous fournit une carte donc ils sont déclarés, donc il n’y en a plus. En Suisse, il y a une étude qui a été faite pour évaluer l’impact des OGM. Donc ils ont voulu partir de 0, on fait une étude scientifique qu’on confie à des gens qui n’ont aucun lien avec les OGM qui est menée par Denis Duboule, qui est un généticien très célèbre, spécialiste du développement embryonnaire de la souris, donc rien à voir avec les plantes OGM [Duboule il a très bien expliqué les résultats, il ne les a pas dirigé, mea culpa, voir ici] et premièrement ils ont trouvé qu’il n’y avait aucun risque et deuxièmement pour chaque franc qu’ils ont dépensé ils ont dépensé plus de 70 centimes, donc sur 1,7CHF il y avait 0,7 centimes dépensés pour la sécurité des tests. Vous voyez l’argent qui est gaspillé ? Et pas la sécurité contre Monsanto, la sécurité contre des citoyens qui veulent aller détruire les choses, et ça c’était des essais pour faire exactement ce que les antis OGM demandent, pour évaluer la sécurité. Ces tests pour évaluer la sécurité il a fallu les protéger contre les gens qui veulent qu’on évalue la sécurisé.

A : Ouais, mais ce n’est pas les mêmes, c’est une poignée d’allumés.

M : Cette poignée d’allumés, elle est soutenue par tout le monde. Pierre-Henri Guyon est allé témoigner en faveur des faucheurs volontaires en France. [voir le cas récent de Colmar, et les réactions]

A : Il fait partie de la poignée d’allumés.

M : Ok, si il n’est pas mainstream qu’est ce qu’il te faut ! Il passe à la télé, il passe dans les journaux, il a les tribunes dans les journaux, il est professeur au muséum d’histoire naturelle et à l’école d’agronomie de Paris, qu’est ce qu’il faut comme mainstream, je suis désolé. J’aimerais bien qu’on me donne des situations de leader écologiste de grand parti, de Greenpeace, quoique ce soit qui condamnent les fauchages, qui condamnent les destructions. [à noter que dans un Podcast suivant, après avoir été bien poussé par Alan, Martial de Montmollin a condamné.] J’ai demandé aux gens avec qui j’ai interagi sur internet de condamner la destruction des champs de riz golden rice aux philippines, riz doré, personne n’a voulu le faire. Soit ils disent “non je ne le condamne pas” soit ils partent sur autre chose, ils détournent le sujet. Donc incapable de condamner le fait qu’on ait détruit, donc c’est aux Philippines, par un institut philippin donc c’est pas l’impérialisme américain ou européen, c’est des philippins qui développent ça [précision : le riz a été originellement développé en Suisse, et les philippins développent la mise en place dans les variétés locales], un riz dont l’objectif est de donner de la vitamine A aux enfants pauvres, dont des centaines de milliers meurent chaque année par manque de vitamine A, on détruit les tests qui ont pour but de voir que c’est sécure, et on refuse de condamner ces tests, et puis on dit “faut pas commercialiser, faut pas distribuer ce riz vitamine A parce qu’on n’ pas montré qu’il était sur”, c’est incroyable et c’est pas d’une poignée d’allumés, Greenpeace a officiellement soutenu cette destruction. Ce n’est pas une poignée d’allumés, c’est vraiment le mouvement anti OGM tel qu’il se présente à nous, de dire il n’y a pas assez de tests et à chaque fois que vous ferez un test, on le détruira. En tant que scientifique, même si moi je ne fais pas d’OGM, c’est une attitude que moi je ne peux pas accepter, qu’aucun scientifique ne peut accepter, on ne peut pas faire ça.

A : Et si on revient justement sur la question du golden rice et de la faim dans le monde ? C’était le dernier thème que je voulais aborder. Et cela nous donnera peut-être l’occasion d’examiner d’un peu plus près le principal argument Pro-OGM… Nous avons vu pas mal d’arguments anti, jusqu’ici. Martial de Montmollin nous dit  je ne supporte plus de se faire continuellement accuser d’affamer la planète en refusant les OGM. Alors même que les bienfaits sur le long terme de ceux-ci n’ont pas été démontré et que le problème de la malnutrition est un problème économique (de répartition des ressources) et non un problème de production_ (dixit FAO).” Je n’ai malheureusement pas la référence de la FAO (l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, donc). Là, on touche au cœur de d’une opposition fondamentale entre Anti- et Pro-OGM. L’argument pro-OGM présentant les semences OGM comme une arme de la lutte contre la faim dans le monde est rejeté, car pour les anti-OGM, les problèmes économiques et politiques sont les principales causes de famine3. Et pourtant…  Un rapport intergouvernemental, approuvé par 59 gouvernements et regroupant 700 experts affirme que l’adoption massive des OGM du fait de la mobilisation de capitaux et de moyens humains aboutira à un ralentissement de la lutte de la faim dans le monde4.(références sur la page Wikipedia http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9bat_sur_les_organismes_g%C3%A9n%C3%A9tiquement_modifi%C3%A9s#Acteurs_du_d.C3.A9bat ). Ca me semble un peu court honnêtement d’un coté comme de l’autre, on avait fait un dossier sur Podcast Science sur le défi alimentaire puis on s’est rendu compte que c’est un problème vachement complexe et puis il y a plein de levier sur lesquels il faut tirer si on veut arriver à quelque chose. Mais je me demande quand mêmeEst-ce que ce n’est pas un argument que l’on devrait examiner un peu plus sérieusement ? Peux-tu nous parler un peu du riz doré (Golden Rice) ?

M : Il y a plusieurs éléments là dedans, faudrait passer en détails donc là je reviens, les scientifiques on est chiants, on aime bien aller dans les détails, et tout vérifier. Donc déjà on revient à ce que je disais au tout début que dire que les OGM font ceci ou font cela. En soi, ça a pas beaucoup de sens donc dire : “les OGM vont résoudre la faim dans le monde” ou dire : “les OGM ne résoudront pas la faim dans le monde”, ça a pas beaucoup d’intérêt comme question. Ce n’est pas assez précis. Ensuite de dire : la faim dans le monde c’est un problème complexe, oui. C’est vrai. Est-ce que chaque fois qu’un problème est complexe on doit rien faire, personnellement, je ne pense pas. Je veux dire, des fois ça me donne l’impression de gens qui discutent “pourquoi est-ce qu’on construit des bâtiments qui sont faits dans des matériaux combustibles”, pendant que le bâtiment brûle et les gens meurent, il vaut mieux discuter de ça plutôt que d’appeler les pompiers. Parce que franchement les gens qui meurent aujourd’hui, meurent aujourd’hui. Et moi je veux bien qu’on ait demain un ordre mondial où plus personne n’a faim et tout le monde a tous les légumes dont il a besoin et tous les fruits dont il a besoin et c’est super cool je connais personne qui est contre. Peut être qu’il y a quelques milliardaires américains qui sont contre mais franchement, pas beaucoup de scientifiques. Mais on n’y est pas. Et si vous avez le moyen magique d’y arriver tout de suite et que vous le dites pas, c’est vraiment un crime. Donc je pense pas que qui que ce soit ait le moyen magique pour y arriver maintenant. Ce qu’on a aujourd’hui, si on revient au riz doré,  c’est des gens qui sont très très très pauvres qui ne mangent que du riz parce qu’ils sont très pauvres et qu’ils vivent dans des régions où le seul truc qui pousse de manière fiable, malgré les inondations, malgré le climat qu’ils ont, c’est le riz, qui ont pas les moyens d’avoir autre chose, et dont les enfants meurent ou deviennent aveugles parce que de manger que du riz ce n’est pas suffisant. Et dire depuis l’Europe “ah ben il s ont qu’à manger des légumes”… euh merci c’est, pour être poli, insultant c’est-à-dire que ces gens savent bien…

A : Mais c’est vrai ça ? Est ce que c’est vrai ou c’est juste argument pro OGM ?

M : Non c’est vrai !

A : On a des données chiffrées ?

M : Oui il y a une estimation récente dans un journal économique de 2 millions d’enfants morts par vitamine A dans les 10 dernières années. [en fait c'est 1,4 million / an ! article de l'estimation ; article qui met en contexte ; site web du chercheur]

A : Donc le riz doré, dans ce cas spécifique, aurait pu éviter ça.

M : Oui et puis quand on dit on n’a pas d’éléments pour savoir si ça peut blablablabla, on sait quel est le problème, ils manquent de vitamine A, le riz doré c’est du riz qui a la vitamine A dans la graine, il n’y a pas besoin de se prendre la tête 10.000 ans, la vitamine A c’est la solution au manque de vitamine A, et en plus c’est pas super exotique, on a mis le gène du maïs, le maïs on en mange, le maïs c’est jaune, la vitamine A c’est jaune, tous les trucs que vous mangez jaune ils ont la vitamine A dedans. Le beurre il est jaune à cause de la vitamine A, les carottes sont rouges. Les petites taches oranges sur les joues des manchots c’est à cause de ça, c’est la vitamine A, c’est pour montrer à leur partenaires sexuels potentiels qu’ils sont en bonne santé, qu’ils mangent beaucoup de poissons, plein de vitamines qui font ça. Et le riz doré il est jaune parce qu’on a mis ce gène du maïs dedans, donc ce n’est pas très compliqué, ce n’est pas un insecticide c’est rien de spécial, c’est la même vitamine A qu’on magne partout. Et dire “ah mais cette vitamine on ne sait pas ce qu’elle fait”. La vitamine A c’est une molécule simple, on ne parle pas d’un complexe de protéines compliquées, on connait sa formule chimique on sait ce que ça fait. On connait. J’ai même lu des arguments anti riz doré qui disent “ah oui mais l’acide rétinoïque, qui est un précurseur, en trop grande quantité peut causer des malformations embryonnaires". Oui on est au courant. On peut même faire des manipulations d’embryons au labo, embryons de souris je vous rassure ou de poissons zèbres en mettant de l’acide rétinoïque. On sait même comment ça marche, on sait ce qui se passe, quelle molécule le fixe et tout. Mais il n’empêche que la vitamine A est indispensable à notre vie et qu’on en mange tous et qu’on n’a pas tous des malformations embryonnaires, il faut arrêter les délires. Je veux dire on ne va pas donner de la vitamine A aux gens qui meurent parce que ils n’ont pas de vitamine A, parce qu’un précurseur de la vitamine A quand on le fout en grande quantité dans un aquarium plein de poissons, ça fait des malformations embryonnaires, c’est n’importe quoi. On sait qu’il faut de la vitamine A ou alors je propose aux gens qui sont contre le riz doré de pas donner de vitamine A du tout à leurs enfants, ça me parait un bon exemple. Ils vont voir ce qui arrive à leurs enfants, c’est pas possible. Et je veux dire là on est vraiment dans une situation, on a la solution, on nous dit aussi, que c’est un sous marin, un cheval de Troie pour introduire les OGM. Mais je m’en fous à la limite. Je veux que ces enfants soient sauvés, je m’en fous du cheval du Troie c’est comme si on me disait, il faut interdire les ambulances et les véhicules de pompiers à moteur parce que ça risquerait de donner l’idée que les moteurs ça peut être utile. Mais vos gueules, il faut que l’ambulance elle arrive à temps pour sauver des gens et tant pis si ça montre que les moteurs sont utiles. Parce que quand même on nous présente ça d’une manière ça risque de donner l’idée que peut-être les OGM sont utiles, ca risque de donner l’illusion que les OGM sont utiles. Non, ça va montrer que les OGM sont utiles. Et les OGM sont utiles et c’est tant pis pour vous si vous n’êtes pas capables de le voir.

A : Ouais enfin certains OGM sont utiles.

M : Oui mais c’est ce qu’on dit depuis le début ! Les OGM ça n’a pas beaucoup de sens mais un OGM peut être utile, oui, un OGM peut être utile. Si ça vous dérange, si vous êtes coincés dans une situation intellectuelle telle que quand on montre qu’un OGM utile c’est tellement grave pour vous qu’il vaut mieux que 2 millions d’enfants meurent plutôt que vous admettiez que vous avez tort, alors c’est très grave. Et quand Martial de Montmollin écrit “je ne supporte plus de me faire continuellement accuser d’affamer la planète en refusant les OGM”, ben j’ai une solution simple. C’est d’arrêter de refuser les OGM pour ne plus se faire accuser, parce que si on refuse une solution à un problème, que le problème existe, que la solution existe,  je suis désolé on a tort. Et si on continue à refuser le problème et qu’en plus on se vexe quand on vous fait remarquer que vous avez tort, tant pis pour vous.

A : Bon, ça m’intéresserait d’entendre comment ils bâtissent ces discours est-ce que c’est juste un dogme finalement ou est ce qu’il a des arguments derrière. On a malheureusement pas eu l’occasion d’en parler et puis il ne pouvait pas être des nôtres ce soir mais ça m’intéresserait, je sais qu’il va écouter cette émission sincèrement j’aimerais bien en savoir plus sur cette position parce que c’est vrai j’ai beaucoup de mal à la comprendre aussi. Ça me semble très très surprenant quoi.

M : D’après ce que j’ai lu ailleurs de lui je pense qu’on doit pouvoir discuter avec lui donc moi je serais ravi de le rencontrer et de discuter. Mais…

A : On va organiser ça, on ira boire une bière OGM ensemble.

M : Tout à fait.

A : On mettra un micro et puis va fera des after pour cette émission. Et puis une dernière chose que je voulais évoquer c’était dans un très court mais remarquablement efficace billet de blog où tu commentais le lobbying agressif du département d’état américain pour imposer partout des cultures OGM. Tu te risquais à un parallèle entre les OGM et la viande de cheval dans les lasagnes ? Tu t’en souviens tu peux nous en parler ?

M : Oui, c’est un peu la même parallèle que j’ai fait toute à l’heure avec la viande de porc pour le halal ou le casher. C’est à dire que, si il y a des gens qui veulent pas manger d’OGM pour des raisons idéologiques, c’est complètement respectable et ils doivent avoir le droit de ne pas manger d’OGM s’ils veulent pas. Après c’est à eux de s’arranger pour que ce soit faisable. Le problème qu’on a eu c’est de même qu’on a eu des lasagnes où c’était écrit bœuf et c’était du cheval, on a eu le département d’état américain qui faisait un lobbying secret pour imposer les OGM ailleurs qu’aux Etats-Unis et le problème là dedans c’est le mot secret, c’est-à-dire que tous les gouvernements font du lobbying pour leur industrie. Comme les Etats-Unis sont leaders en OGM ben ils vont faire du lobbying pour les OGM comme ils font du lobbying pour Boeing et je sais pas quoi. Et comme la France et l’Allemagne vont faire du lobbying pour Airbus. Ou les TGV. C’est complètement normal à ce niveau là, mais de le faire en secret parce qu’on sait que les gens n’aiment pas ça c’est grave.

A : Ce n’est pas normal.

M : Ça ce n’est pas normal. Bon, en soi, je suis sûr que on a appris récemment dans les choses que font les départements d’état américain, il y a beaucoup de choses pas terribles et puis je suis sûr que tous les pays ont plein de choses pas terribles que les gouvernement français ou suisses ont plein de choses dont ils doivent pas être fiers publiquement. Mais voilà mon argument c’était pour dire, en soi, le fait que ces actions de lobbying cachées des américains existent ce n’est pas un argument pour dire les OGM sont mauvais, c’est un argument plutôt pour dire comment fonctionnent les départements d’état, c’est mauvais. De même que les lasagnes au cheval ce n’est pas un argument pour dire de jamais manger de viande de cheval. C’est un argument pour dire les lasagnes industrielles, ce n’est pas très bon finalement.

A : Arrête moi si je me trompe mais j’ai l’impression qu’au fond le problème il réside dans le fait qu’on a à la fois des enjeux immenses, on a des groupes de pression puissants on a des mensonges d’un coté et de l’autre, des peurs sans doute légitimes on a beaucoup de passion beaucoup de militantisme on a énormément de simplifications et d’amalgames face à un problème complexe.

M : Alors tu m’as dit, je t’arrête donc, j’espère que ce n’est pas que rhétorique, t’as dit des mensonges d’un coté des peurs de l’autre. Donc c’est quel coté là, les deux cotés dont tu parles ?

A : Ouais j’avoue qu’après t’avoir entendu, ce texte en fait je viens de le lire, je l’avais écrit à l’avance, après t’avoir entendu je me rends compte, d’ailleurs j’ai eu une petite hésitation en le disant, que ça marche pas comme ça. Ce n’est pas aussi simple. Je pensais aux peurs qui sont sans doute de bonne foi dans le camp même pas dans le camp des antis OGM mais au sein de la population qui a peur de ces trucs là. Les mensonges effectivement je pense qu’ils existent dans les deux camps après t’avoir entendu, aussi bien….

M : Je pense qu’il y a plus que deux camps, il y en a 3. Je pense qu’il y a un camp militant anti OGM, il y a un camp de l’industrie agro-alimentaire et des semenciers qui, comme toutes les industries, va mentir quand ça leur fait gagner des sous, et il y a un camp des scientifiques qui, je dirais, est un 3ème camp, des fois se retrouvent, ça arrange l’industrie donc l’industrie va les mettre en avant mais de même que des fois ce qu’on dit dans d’autres contextes ça arrange les mouvements écologiste donc ils vont le mettre en avant et des fois ce qu’on dit ça arrange d’autres gens mais finalement, nous, notre objectif n’est pas dire quelque chose qui arrange quelqu’un mais de dire la vérité. Donc je dirais qu’il y a 3 camps pour moi.

A : Ok mais la science on l’entend pas beaucoup, le camp de la science.

M : Ben c’est chiant comment on parle nous d’habitude. On écrit des articles plein de jargon on les publie de manière obscure, et même quand on fait des blogs ou des choses ou qu’on parle aux gens, tout de suite on rentre dans les détails, on cherche à corriger les erreurs, vous connaissez la série TV The Big Bang Theory ? Vous voyez quand Sheldon va essayer d’expliquer quelque chose, voilà. C’est caricatural mais il y a de ça c’est à dire que c’est vrai que nous on veut que chaque détail soit correct, très vite on interrompt les gens pour dire “attendez là dans votre phrase déjà le deuxième mot que vous avez utilisé est pas tout à fait dans le bon sens dadadadada”. Là j’essaie de pas trop faire ça mais c’est vrai que c’est une tendance qu’on a et on n’a pas tort en soi, je pense parce que si on veut dire des choses correctes, ben il faut faire attention à tout. Le diable est dans les détails mais du coup….

A : Mais c’est quoi le problème, les scientifiques savent pas communiquer ? C’est un levier sur lequel on pourrait travailler ils pourraient s’améliorer là ?

M : Oui et non parce que quand je vois des conseils de communication scientifique ça revient souvent à dire, en gros, faites plus comme les gars du marketing et on ne veut pas faire ça pour des bonnes raisons. Donc je dirais plutôt que pour la plupart des gens, en fait, comprendre le monde c’est compliqué. C’est difficile c’est ce que nous on fait, la plupart des gens ont pas envie de faire cet effort. Et si vous venez vers nous en étant prêt à faire cet effort on est ravis, la plupart des gens ont pas envie de faire cet effort donc ensuite vous avez que deux solutions, soit vous nous faites complètement confiance, ce qui en soi n’est pas une attitude très scientifique.

A : On est d’accords.

M : Mais c’est moins d’efforts. Soit vous nous faites complètement pas confiance. Et vous écoutez d’autres gens qui parlent mieux, qui ont tort mais qui en parlent mieux. Mais c’est une question très générale, je veux dire, quelque part je ne suis même pas sur que ce soit possible de communiquer la science de manière rigoureuse sans être un minimum ennuyeux. Enfin j’essaye, j’ai un blog que tu connais mais il y a toujours un moment où ça devient plus sérieux ou plus technique c’est obligé sinon ce n’est pas correct ce qu’on dit. Et on doit être corrects.

A : Alors la solution passerait par quoi, par une meilleure éducation ? Il faut qu’on apprenne à mieux comprendre ces messages, en fait, est ce qu’il y a moyen de sortir de cette impasse ou est ce qu’il faut que les scientifiques se mettent aussi à aller manifester avec des banderoles et qu’on les entendent plus que les autres ?

M : Tu parles des OGM ou de la science en général ?

A : Je te parle, ben je pensais en l’occurrence à la problématique des OGM, mais finalement oui, les scientifiques en général, est ce qu’on ne devrait pas les entendre un peu plus ?

M : C’est difficile. La logique du discours public c’est celle que maîtrisent les politiques et les journalistes et nous on la maîtrise pas, tout le monde se met à la maîtriser ben souvent on dérive, comme j’ai parlé de Pierre-Henri Guyon mais si on sort de la thématique des OGM on a, par exemple, Richard Dawkins en Grande Bretagne est très populaire dans les média mais ce qu’il dit c’est plus grand chose de scientifique, donc je ne sais pas. Je n’ai pas la bonne solution c’est très difficile, mon effort personnel c’est d’être très présent sur blog et twitter où je ne peux obliger personne à interagir avec moi, ni à lire ce que j’écris et si des gens trouvent ça ennuyeux, ben ils sont pas obligés de le lire, mais au moins quand des gens s’adressent à moi, je suis ouvert, je suis là pour leur répondre. Des fois, j’écris un billet et puis les gens comprennent pas, ils disent dans les commentaires, j’ai pas compris et je réponds, parfois j’écris un nouveau billet qui permet de réexpliquer les choses mieux, voilà. Je pense déjà que internet est une énorme opportunité parce que les scientifiques, on va jamais maîtriser les média classiques, ils ne sont pas faits pour nous, on est en moyenne introvertis, on a des choses ennuyeuses à dire, on a aussi besoin d’un discours long, donc votre podcast c’est super, j’ai le temps mais j’aurai jamais ce temps là dans un journal télévisé ou quelque chose comme ça, on est d’accord. Donc comment je traduirais en 2 min, en 2 min je traduirais, je ferais une approximation et puis un gars en face aurait beau jeu de trouver l’erreur dans l’approximation.

A : En 1min30

M : Voilà, Donc ça ne marcherait pas. J’aime beaucoup internet parce qu’on a cette opportunité de s’expliquer à notre rythme et tout le monde peut y accéder, après la plupart des gens, comme je disais, sont pas intéressés, la plupart des gens vont préférer faire autre chose que de s’intéresser à la science et ça c’est quelque chose, j’y peux pas grand chose, mais au moins en étant présent sur internet ça veut dire que si quelqu’un fait une recherche internet sur les OGM, par exemple, je pense que si les scientifiques bloguaient tous, soyons fous, chaque scientifique en exercice a un blog. Le lendemain de l’affaire Seralini, vous seriez allé sur internet et vous auriez vu “oh mon dieu ils sont tous contre”. Ça aurait été super visible, là ça se voyait dans les salles de café des labos. Mais ça se voyait pas sur internet tellement, parce que sur internet trop peu de bloggeurs on pouvait dire bon y a un gars qui a dit ça, un gars qui a dit ça, je ne sais pas. Donc je pense que la solution en grande partie c’est d’aller par internet, d’aller sur les blogs, d’aller sur twitter, d’aller sur d’autres outils internet, moi j’utilise le blog et twitter, ça peut être facebook, autre chose. Pour être au moins là quand les gens vous cherchent, parce que les gens vont pas venir taper à la porte de notre labo mais ils vont faire une recherche Google. Je veux dire à un moment mon blog c’était le deuxième hit sur internet après wikipedia pour Pierre-Henri Guyon je crois que c’est redescendu à la 4ème ou quelque chose ça veut dire que les gens qui cherchent Pierre-Henri Guyon, ils trouvent que moi je n’étais pas content de ce qu’il a dit sur les scientifiques. Au moment de l’affaire Seralini. Voilà, donc c’est visible.

A : Ok ben c’est une solution. On va peut être rester sur celle-là et puis comme on parle d’internet, d’interactivité je crois qu’on a eu des tonnes de questions dans la chatroom et puis on a peut être des questions du reste de l’équipe. Nico j’arrête de monopoliser la parole.

N : C’est vraiment passionnant merci pour tout ça, moi j’apprends beaucoup de choses. Par contre tu nous disais, je crois qu’il y a 3 camps, les scientifiques, les militants pour, les militants contre.

M : J’ai pas dit les militants pour, j’ai dit l’industrie.

N : Ou l’industrie, enfin ce que j’appelle les militants pour quoi. C’est-à-dire les gens qui ne sont pas objectifs, fin bon, bref, des histoires de termes comme tu disais. Et en fait ce que moi il m’a manqué un peu dans tout ce que tu présentais, c’est quasiment un 4ème camp, c’est, je sais pas comment appeler ça, parce que j’ai pas envie qu’on joue sur les termes je préférerais qu’on réponde dans le fond, c’est les scientifiques qui se posent des grosses questions d’éthiques, c’est un peu ce qu’on retrouve dans le nucléaire, c’est-à-dire, j’appelle scientifique parce que ce serait pas des gens qui nieraient les faits mais ce serait des gens qui se poseraient des questions purement éthique du genre ce qu’on pourrait se poser, alors j’ai plus d’exemples dans le nucléaire parce que je connais mal les OGM ,mais qui seraient du genre dans le nucléaire de dire ben y a certains avancées nucléaire, si on les généralise, on pourra plus revenir en arrière, ça aura une pollution qui pourra être dramatique ou des choses comme ça ou il y en a aussi dans le médical. Enfin des vrais questions éthiques sur ce qu’on fait qui sont au delà de la question de vérité juste ou d’avancées scientifiques et j’ai pas entendu trop ça dans ton discours sur justement un peu de limites, de ce coté là de dire “ok on a des choses, on peut aller loin mais peut être que scientifiquement aussi il y a des moment il va falloir se mettre des barrières importantes”.

M : Alors je suis d’accord que ce serait intéressant, en fait j’essaye de discuter avec des collègues, souvent des gens sont surpris que je ne sois pas anti OGM parce que en gros si on est un scientifique surtout en biologie on est probablement de gauche, si on est de gauche on est probablement anti OGM, “qu’est ce que tu fais ??” Bon je simplifie à peine mais quand je discute avec eux à chaque fois pour savoir ce qu’il se passe, pourquoi, quel argument en fait c’est très généralement des gens qui ont pas réfléchi au problème simplement comme ils sont pas intéressés à la question et qu’ils font partie d’un camp politique qui est anti OGM, ils sont anti OGM. Et je continue à chercher, c’est quelque chose que j’aimerais développer sur mon blog c’est dialoguer avec des biologistes compétents qui ont des réserves sur les OGM, ce serait vraiment intéressant. J’ai essayé de développer, il y a eu un dialogue de Pierre-Henri Guyon sur un de mes billets de blog, il a réagi sur twitter, je lui ai dit “mais réagi sur le blog, on pourra aller plus dans le fond” il a réagi, le dialogue a démarré, je pense qu’il y a eu plus de dialogue que je n’en avais eu auparavant avec lui, après dans les blogs il y a un certain nombre de commentateurs qui reviennent toujours sur le sujet OGM donc 2 - 3 personnes qui sont très pro OGM sont venus commenter. Il a dit “ah moi je parle pas à ces gens” et il est parti. Bon donc le dialogue s’est arrêté là mais j’aimerais beaucoup avoir ce dialogue là. En l’occurrence Pierre-Henri Guyon, il n’a rien dit que moi je trouve finalement convaincant mais au moins j’ai compris de quoi il parlait, ce que je n’avais pas compris avant. Donc voilà je pense c’est une question intéressante mais pour l’instant j’ai pas vraiment réussi à avoir ce dialogue, j’ai cherché, je continue à chercher, bon faut voir aussi mon blog c’est un truc que je fais le soir, moi mon activité comme on l’a dit au tout début, je suis prof de bioinformatique donc je passe pas ma vie à chercher ça non plus, mais à l’occasion je cherche et c’est quelque chose que j’aimerais faire c’est avoir des dialogue avec des scientifiques qui ont des raisons valides d’être au moins, disons, réservés sur les OGM. Alors à nouveau c’est toujours pareil, il faut commencer par dire finalement les OGM c’est pas super pertinent comme catégorie il y a tel ou tel cas d’OGM qui pose problème mais j’aimerais bien pouvoir en discuter.

N : Ok.

A : Sinon est ce qu’on avait des questions de la chatroom ou vous avez pu suivre un peu, nous on se regardait dans les yeux avec Marc. Du coup, je découvre maintenant qu’il y avait des dessins, des dessins de Puyo absolument géniaux d’ailleurs. A quoi rêve un organisme génétiquement modifié quand il s’endort.

I : Moi j’ai relevé quelques questions dans la chatroom, il y avait beaucoup de commentaires évidemment. Il y a eu des questions mais souvent, les réponses venaient ensuite. Mais je peux en lire quelques une quand même. Il y avait GPIF qui au tout début nous a demandé : “il y a des OGM inoffensif et d’autre plus nocif, comment les distinguer?”

M : On peut commencer par on sait ce qu’on fait quand on fait un OGM, il y en a où en principe on sait déjà que ce sera inoffensif et d’autres où on sait qu’il y a un risque, c’est comme les médicaments si je donne un médicament contre un cancer je sais que ça va être dangereux, parce que un cancer c’est vos cellules donc si je tue vos cellules c’est dangereux, donc de même on peut savoir que quand on met par exemple un insecticide qui va tuer un animal, nous sommes des animaux on a un risque. Alors que quand on met par exemple de la vitamine A, on n’attend pas de risque. Quand on renforce le système immunitaire de la plante on a très peu de risque, donc il faut toujours faire un test mais idéalement il faudrait faire les tests aussi sur les hybrides et sur les plantes par mutagenèse non dirigée, mais on a quand même une idée de ce qu’on fait le plus dans les OGM en fait, et donc on peut avoir une assez bonne idée de si il y a probablement un risque ou probablement pas de risque. C’est clair ?

I : Oui ! très bien ! c’est très clair. Ensuite il y a Pascal qui nous dit “La méfiance vient peut être du fait que les gens n’imagine pas possible que l’on maîtrise suffisamment le vivant pour le modifier en pouvant évaluer les risques.” Qu’est ce que tu en penses ?

M : C’est clair que la biologie c’est en ce moment, je pense depuis 20-30 ans, la science qui bouge le plus vite et la perception qu’on a d’une science elle est très en retard sur sa réalité quand elle bouge si vite, je pense c’est un peu similaire à ce qui s’est passé en physique dans les année 20-30 où les choses ont bougé tellement vite que la perception a peut être eu du mal à se rattraper après que dire je sais pas, est-ce qu’il y a une vraie question là.

I : Je pense que ça rejoint un peu le problème de l’éthique dont parlait Nico Effectivement c’est que ça fait peur. Ça fait peur parce qu’on a l’impression que tout va très vite et où est ce qu’on va s’arrêter et est ce qu’on doit arrêter.

M : La peur et l’éthique c’est deux choses différentes. Mais comme je l’ai dit on s’est arrêté à un moment. Je pense qu’il y a un problème de perception publique du scientifique c’est-à-dire que dans la fiction, le scientifique est presque toujours un espèce de docteur Frankenstein fou qui n’a aucune conscience et aucun regard pour les conséquences, qui est autiste et détaché de l’humanité et qui fait des expériences en ricanant dans son labo tout seul et à peu près tout dans cette image est faux. Sauf peut être qu’on est à moitié autiste. Non sérieusement la plupart des scientifiques en fait s’intéressent à la société. Je pense que vous trouvez beaucoup plus de militants de causes diverses dans un labo universitaire que dans la société générale, et la science se fait jamais tout seul donc vous êtes à plusieurs donc c’est très difficile de développer quelque chose en communauté et que personne à un moment dise “arrêtez, qu’est ce qu’on fait”. Donc c’est quelque chose qui est développé à plusieurs donc ensuite est ce qu’il y a un manque de confiance, certainement. Il y a aussi un mélange je pense entre scientifique et technologie, c’est-à-dire souvent quand on a les pages sciences des journaux généralistes, on ne parle pas de science, on parle du nouvel iPhone. On parle de technologie finalement et si il y a des problèmes avec les technologies, la perception négative qui vient de ces problèmes se répercute sur les scientifiques. Je pense aussi qu’il y a un mélange de ce genre parce qu’on a du mal à faire confiance aux scientifiques parce qu’on a des problèmes avec les technologies. Mais finalement ingénieur et scientifique c’est deux métiers différents. Ingénieur c’est aussi un métier très important, il y un super discours de Niels Armstrong, le premier astronaute sur la lune, sur la beauté du métier d’ingénieur que je vous recommande totalement mais c’est quand même un métier différente avec des objectifs différents, je pense qu’une partie de la méfiance vient de là. C’est beaucoup plus difficile de comprendre ce que nous on fait. Pourquoi on parle de découvertes technologiques, d’avancées technologiques, elles sont plus faciles à expliquer il y a un train qui va vite, il y a un iPhone plus puissant etc. C’est facile à expliquer. On a trouvé que 0,1% du génome dont on ne connaissait pas précisément la fonction a en fait une fonction régulatrice précise et subtile à un moment du développement, c’est plus dur à expliquer.

I : Oui mais là tu parles de la biologie, c’est vrai que la biologie c’est difficile à expliquer, certes.

M : Ben tout moi j’ai rien compris à la récente découverte du rayonnement cosmique là. Tout est compliqué. Dès qu’on va dans les détails c’est compliqué.

I : On a d’autres question on va peut être passer à ça je pense. David qui nous demande : “est ce qu’un des problèmes des OGM ne vient pas aussi de la volonté de l’imposer sur des cultures plus classiques ? Genre comme dans un reportage sur Arte concernant Monsanto où ils expliquaient que ça polluait les cultures classiques et que finalement ça force les gens à passer à des semences fabriquées et contrôlées par des industriels ?”

M : Pfou il y a tellement de trucs là dedans ça va être dur de répondre. Bon alors Arte c’est génial pour les films en VO et la danse classique mais dans mon expérience, la science sur Arte, c’est catastrophique. Je pense que c’est tous les gens qui sont tous diplômés de lettres là dedans.

A : Je ne sais pas mais moi j’ai un gros problème avec ça aussi.

M : C’est vraiment catastrophique, alors là si on veut des gens qui ont une image négative du scientifique qui veulent toujours montrer des théories du complot c’est génial. Ensuite ben on revient à ce hoax qui est tout le temps répandu que les graines de Monsanto contaminent tout le monde et les forcent à utiliser les OGM. Il faut rappeler que ce n’est pas vrai, il n’y jamais eu de cas où Monsanto ou une autre compagnie a fait un procès à un paysan parce qu’il y a des OGM dans son champ par erreur. Il y a eu des cas où il y a eu des procès parce que des gens ont planté exprès des OGM sans payer, donc c’est comme si vous piratiez Windows, ce n’est pas comme si Windows avait sauté dans votre linux. Donc ce n’est pas arrivé ça et en fait on voit aussi souvent sur internet dans les gens anti OGM cette image du paysan victime des grosse boites qui font des OGM et en fait qui colle absolument pas aux chiffres parce qu’on voit que les gens, les paysans veulent planter des OGM. La résistance à l’interdiction des OGM en Europe vient des paysans. Aux Etats-Unis les OGM, entre 70 et 80% des types de cultures aux OGM qui sont disponibles parce que les paysans les achètent, ils achètent plus cher parce que c’est plus rentable parce qu’ils ont moins de travail, qu’ils dépensent moins d’argent sur l’essence de leur tracteur, ils se font moins de sortie, ils utilisent moins de pesticides.  En Inde, quand le coton BT OGM n’était pas encore disponible, les paysans se sont mis à le pirater. Ils en ont volé et ils l’ont replanté sans payer des sous parce qu’ils voulaient absolument le planter donc en fait c’est un outil supplémentaire qu’on donne au paysan, le paysan veut en général. Je veux dire bien sur qu’il y a de agriculteurs bio qui le veulent pas mais ils ne sont pas obligés et à nouveau personne n’a jamais été obligé de l’utiliser à ma connaissance. Alors je ne prétends pas tout savoir, si quelqu’un trouve un élément qui montre que quelqu’un a été obligé, qu’il envoie le lien c’est cool je serai très ouvert mais tout ce que j’ai vu, chaque fois qu’on m’a montré un lien, c’est des gros hoax, ce n’est pas arrivé. Ce qui est arrivé par contre c’est que des agriculteurs bio américains ont fait un procès à Monsanto préventif en disant, si vos OGM viennent dans nos champs, nous on va avoir des problèmes. Ils ont perdu le procès parce qu’ils ne pouvaient pas démontrer qu’ils avaient le moindre problème, ils ont perdu tous les appels, donc ça n’arrive pas.

I : D’accord.

A : Irène on avait encore autre chose.

I : Pourquoi sera-t-il interdit pour les agriculteurs de ressemer leurs propres récoltes ?

M : Alors ça dépend des cas, là c’est un peu compliqué, donc ça va être un peu difficile à détricoter, je suis pas sur d’arriver à tout dire rapidement mais : premièrement quand on plante des graines hybrides, qui est le plus courant, pas OGM on ne peut pas les ressemer parce qu’on ne refait pas les mêmes traits avec l’hybride donc ne pas replanter ces graines, c’est tout à fait courant. C’est la première chose qu’il faut dire que la plupart des gens ne sont pas au courant. Deuxièmement il y a certains OGM on a le droit de replanter tout de suite si on veut utiliser soi même mais on n’a pas le droit de replanter pour vendre les graines parce que ça devient du métier de semencier. Et qu’il y a une clause de non concurrence c’est-à-dire que quand vous achetez une plante à Monsanto, vous faites une clause de non concurrence de même, quand vous achetez un logiciel Windows vous signez quelque part que vous n’allez pas le copier, le redistribuer. Or les plantes ça se copie assez facilement, ça a ça en commun avec les logiciels aussi. Donc c’est interdit effectivement de prendre des graines, de les planter, de revendre les graines à d’autre pour les planter. Il y a aussi des cas où c’est interdit même de replanter soi même, soit, je vais dire, bon il y a sûrement des antis capitalistes dans la liste des commentaires, en soi c’est le marché libre. Si je suis un paysan que je ne veux pas acheter des graines où c’est interdit de replanter, ben je les achète pas, j’en achète d’autres. Il y a quand même une grosse concurrence chez les semenciers, c’est pas du tout comme d’autres marché, on parle d’oligopole mais il faut se rendre compte que les très grosses boites elles ont 10-15% du marché, il y a concurrence. Donc tout paysan, un paysan à qui ca pose problème ça il n’est pas obligé d’acheter ces semences, mais il faut bien se rendre compte que ça ne pose généralement pas de problème aux paysans parce que de toute façon, leur façon normale de procéder c’est de racheter des semences tous les ans. Et ce serait d’autant plus vrai s’ils évitaient la monoculture parce que si vous voulez changer faire par exemple une rotation vous avez intérêt à racheter des semences même, différentes tous les ans, ce que font certains paysans, ce qui est très bien pour le sol donc dans ce cas là vous avez encore moins intérêt à garder vos semences. Voilà.

A : Tu fais beaucoup de comparaison avec l’informatique du coup il y a Vincent qui nous demande dans la chatroom et les OGM libre ou open source est ce que ça existe ?

M : Non ça serait cool hein ? En fait ça existe dans les laboratoires mais ça sort pas des labos parce qu’on ne peut pas faire les tests, donc ça sort pas des labos. Ça existe dans les labos, c’est publié dans les journaux scientifiques, un autre labo peut écrire obtenir l’échantillon gratuitement et le reproduire et le modifier à nouveau comme de l’open source mais c’est comme si c’était interdit de mettre l’open source sur les PC des gens et que c’était que sur les gros super ordinateurs des universités. Voilà mais c’est parce que c’est interdit de le développer d’une manière utilisable par tout le monde, parce que les tests sont chers et parce que les tests se font détruire régulièrement.
I : Ensuite, il y avait implo qui se posait la question de la rentabilité, si le fait que les OGM, c’est bien surtout pour la rentabilité en priorité en fait.M : Alors, il faudrait expliciter, parce que la rentabilité pourquoi c’est un gros mot, il faut pas que les paysans gagnent leur vie, il faut qu’il meurent de faim ?

I : Je me demande si c’est pas plutôt la rentabilité du côté des gens qui produisent les graines en fait.

M : Ah ben c’est sûr qu’ils sont rentables, sinon ils produiraient pas hein. Je veux dire, il y a une espèce de façon de parler, alors on va en politique, moi je veux pas particulièrement faire de politique mais je veux dire, plaçons nous dans le cadre où nous sommes aujourd’hui c’est-à-dire que nous sommes dans une économie mixte où il y a une grosse part de privé, une petite part de public. Si le privé développe quelque chose, il va le développer d’une manière à ce que ce soit rentable, sinon ils vont pas survivre ils vont faire faillite. Et ils seront plus là et les fermiers s’ils veulent à la fin du mois payer toutes leurs factures et encore avoir des sous ils vont être rentables donc oui, les OGM il y a une question de rentabilité. C’est en fait une des originalité du riz doré c’est que c’est le premier OGM  qui a été développé, non pour que la ferme soit plus rentable mais pour que le consommateur en bénéficie. Tous les autres OGM ont été développés… En fait je pense que que c’est aussi une partie du problème dont on a pas parlé. La cible n’est pas le consommateur, la cible c’est le paysan c’est-à-dire que c’est pour rendre le travail du paysan efficace, quelque part c’est comme de lui donner un meilleur tracteur. Les tracteurs ça n’a pas rendu vos légumes meilleurs, ça a permis aux paysan de faire son travail plus efficacement à moindre coût donc c’est plus rentable. Est-e qu’il faut supprimer les tracteurs complètement, je ne sais pas mais c’est dans la même logique.

I : Ouais, bien sûr, mais c’est vrai que je pense que c’est pour ça que c’est un débat tellement passionné, c’est qu’il y a tellement d’enjeux différents à tous les niveaux et qui touchent tout le monde, c’est vrai que c’est pas simple je pense.

A : Je propose qu’on prenne, si tu peux nous remonter encore, disons, deux questions et puis après on va gentiment conclure parce qu’on a quand même fait long.

I : Alors il y en a une qui est quand même vraiment différente. Il y a MrNause, je sais pas comment on dit en français, il demande : “il existe encore des pommes de terre, des aubergines et des fraises qui ne sont pas génétiquement modifiées ?” donc ça c’est une première partie de la question, et les pommes au 17ème siècle étaient-elles aussi grosses que celles que l’on trouve today ?

M : Alors, pour le 17ème siècle je ne peux pas répondre, je ne suis pas historien des pommes mais c’est clair que les pommes qu’on mange aujourd’hui ne sont pas des pommes sauvages, si vous avez déjà vu des pommes sauvages, c’est tout petit, c’est très acide et amer et très dur. Et il y en a pas beaucoup par arbre donc ce qu’on mange nous, en général, c’est des pommes qui ont été, alors après génétiquement modifiées c’est une question de vocabulaire, mais qui ont été…

A : Sélectionnées.

M : Sélectionnées, hybridées, on a croisé des mutants naturels ou on a fait de la mutagenèse plus récemment mais dans le passé on a juste attendu que les mutants arrivent donc c’est lent mais ça c’est vrai aussi de toutes les autres plantes. C’est-à-dire pour les aubergines, j’ai jamais vérifié donc je ne connais pas mais les pommes de terre c’est pas les pommes de terre telles qu’on les trouve dans la nature non plus, ce qu’on mange, je veux dire rien de ce qu’on mange, si c’est domestiqué, la définition de la domestication pour un animal ou pour une plante c’est que l’humain contrôle sa reproduction, c’est la définition de la domestication et qu’on contrôle sa reproduction en grande partie pour contrôler qui se reproduit. C’est ceux dont les traits nous arrangent qui se reproduisent et donc on sélectionne qui nous arrange, que ce soit un cheval qui court vite, une vache qui donne beaucoup de lait ou un blé avec des grosses graines. Donc voilà. Après je suis pas sûr quel était le sens de la question mais ce que je peux dire.

I : Ouais peut-être c’était une question très naïve, simplement est-ce que les choses sont différentes maintenant. Et puis pour une dernière question, celle-ci s’adresse à Alan, d’après ton intro, si on trouve Marc pro-OGM est-ce que ça veut dire que l’on est anti OGM ?

M : C’est une question pour toi ça.

A : Est ce que Marc est pro OGM en fait finalement c’est ça la question.

M : Moi je dirais que je suis anti-anti-OGM.

A : Anti-anti.

M : Oui mais pro-OGM ça voudrait dire que je pars d’un a priori pro OGM et puis que je veux minimiser les défauts. Par exemple, quand j’ai parlé sur mon blog de l’expérience où ils ont trouvé que du maïs BT pouvait être mauvais pour des insectes non cibles, j’ai des commentaires de pro OGM qui trouvaient que j’avais été trop gentil avec cette manip qu’elle était nulle etc. Bon moi je la trouve assez intéressante cette manip, c’est sûr qu’elle finit pas la question, mais aucune manip ne finit la question, c’est toujours petit à petit la science et je la trouve intéressante et j’avais cherché des manips de ce genre. Donc je dirais, non, je ne suis pas pro OGM je dirais plutôt l’évidence n’est pas anti OGM. Donc voilà c’est un peu comme de demander si un scientifique qui travaille sur le climat est pro changement climatique. Pas forcément, a priori, mais quand il regarde l’évidence il voit ce qu’il voit. Donc quand je regarde l’évidence je ne vois pas que les arguments des anti OGM dans l’ensemble tiennent la route. Et je vois aussi que les anti OGM ça ne les dérange pas, ils continuent, donc à partir du moment où on nie les données scientifiques, on nie les résultats ça me gêne, donc je suis anti cette attitude, je suis anti anti OGM.

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Ouf, ça m'a pris plus de temps que je ne pensais cette annotation. Les erreurs que j'ai comises sont énervantes, et montrent bien pour moi la difficulté du direct par rapport à l'écriture du blog où j'ai le temps de tout vérifier avant de publier.



Maintenant il faut que j'écoute le podcast sur les vaccins, qui m'a l'air d'un sujet semblablement casse-gueule. :-)