vendredi 21 février 2014

Discussion intéressante sur les brevets sur le vivant, même pas #OGM

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Un billet hyper court pour signaler une excellente discussion sur le brevetage des plantes, avec l'exemple de poivrons pas OGM issus de croisements complexes, et qui sont brevetés par Syngenta (c'est vrai quoi, y a pas que Monsanto dans la vie). Ca date du début du mois, mais c'est toujours d'actualité :

http://avisdexperts.ch/videos/view/2284/2

Ceci renvoie bien entendu à la discussion avec Pierre-Henri Gouyon sur un billet précédent. Ce n'est pas parce qu'on n'a pas d'OGM qu'on n'a pas de brevets, et au risque de me répéter on pourrait avoir des OGM non brevetés si on laissait et incitait les chercheurs académiques à les déveloper.

Infos complémentaires sur les brevets sur le vivant : "Problèmes engendrés par les brevets" à Sciences-Presse, "Brevets sur les plantes, avis de restriction" à Sciences2.

jeudi 20 février 2014

Rififi chez les bioinformaticiens : peut-on tout critiquer sur tous les tons ?

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Un billet forcément trop court pour rendre compte d'un débat important et très animé qui a eu lieu ces deux dernières semaines, sur le blog de Lior Pachter, le même qui avait déclenché le débat sur les méthodes utilisées en bioinformatiques en fin d'année dernière. Dans une série de trois billets (The network nonsense of Albert-László Barabási ; The network nonsense of Manolis Kellis ; Why I read the network nonsense papers ; plus une explication de texte finale : Number deconvolution), Lior a démonté des articles par des scientifiques très connus, dans des journaux très reconnus, sur les méthodes d'analyse de réseaux, y compris les réseaux de gènes ou de protéines (quel gène interagit avec quel gène, ou régule quel gène, etc).

Je ne vais pas rentrer dans les détails, il faut lire les billets et les commentaires si vous vous intéressez à la biologie computationnelle. Mais je vais insister ici sur les tensions que ces billets ont cristalisé :

  • Tension entre méthodologistes, souvent énervés par des papiers par forcément 100% satisfaisants publiés dans de grandes revues, et scientifiques qui produisent ces papiers à haute visibilité, que les critiques des méthodologistes qui ne produisent pas les résultats biologiques énervent souvent.

  • Tension plus générale entre les scientifiques qui réussissent bien, même très bien dans le système actuel, de revues à fort impact très sélectives, et scientifiques qui réussissent moins bien dans ce système, et qui jusque récemment avaient peu l'occasion d'exprimer leurs critiques (à-peu-près toujours rejetées par les grands journaux "par manque de place" ou "trop technique"), mais s'expriment de plus en plus dans les blogs et sur les serveurs de preprints du type ArXiv.

  • Tension, enfin, entre la nécessité de parler franchement des problèmes éventuels de méthodes ou de résultats scientifiques, et la nécessité d'avoir un dialogue constructif entre scientifiques. Tension donc entre le fonds (y compris dire que c'est faux quand c'est faux) et la forme (ne pas accuser les collègues de fraude ou de malversations à la légère en public).


Le dernier point a donné lieu à la plus grande discussion, parce que le mot fraude, justement, a été employé. C'est un mot très chargé en science. Accuser quelqu'un de fraude, c'est très grave. Lior a accusé Manolis Kellis de fraude, parce qu'il a modifié une figure après expertise, et parce que des paramètres de la méthode n'étaient pas explicités. (C'est un prof de Berkeley qui accuse un prof du MIT, y a pas de petit joueur ici.)

Ma position sur ce débat, je l'ai donnée en commentaire du troisième billet, ici et ici. En bref, je pense que (1) le débat sur la forme a lieu d'être, et Lior a probablement eu tort d'utiliser le mot fraude, mais que (2) ce débat a été employé pour détourner de ce qui doit rester l'essentiel, à savoir la véracité et l'honnêteté du travail scientfique. Si Lior a raison, alors il a rendu un service important à la communauté. S'il a tort, il faut le montrer, pas juste pousser des cris sur le ton.

Je reiviens sur ce que j'avais écrit après le précédent billet à scandale de Lior :
grâce aux blogs et à Twitter ces gros projets se font sous la supervision de plus en plus proche et réactive d’une communauté qui n’a pas peur de faire connaître ses critiques, et que ces mêmes plateformes permettent aux scientifiques des gros projets de répondre, créant un dialogue constructif. Et ça c’est une très bonne nouvelle pour le progrès de la recherche en biologie et en sciences en général.

Je pense vraiment que la vigilance de personnes telles que Lior, ou "expertise post-publication", peut améliorer la science. Quelque part, ses motivations me challent peu : vengeance, jalousie, passion pure et brulante pour la science ? Si les auteurs et les journaux savent qu'ils courent le risque d'être critiqués sur la place publique en cas d'erreurs ou de manquements graves, tout le monde sera un peu plus prudent, peut-être un peu plus rigoureux, et ce sera pour le mieux. Voir aussi le débat post-publication en cours sur les cellules souches miraculeuses.

(A propos de l'image ci-dessus, je l'ai twittée du coup  à Lior et à Dan Graur, également spécialiste de la critique malpolie :

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Mise à jour : certains des débateurs opposés s'échangent des tuyaux gentils sur Twitter, c'est pas cool ?

 

 

mercredi 19 février 2014

Cellules souches à l'acide : mauvais trip ?

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Un billet rapide pour rebondir sur le commentaire de Stephane sur mon billet précédent sur les cellules souches obtenues par traitement à l'acide : il semble d'une part qu'il y ait des doutes sur certaines figures des articles, et d'autre part un effort collectif pour reproduire les résultats n'a pas (encore ?) abouti (blog ipscell).

Il y a un excellent résumé en français de la situation sur l'Agence Sciences Presse.

Je vais juste commenter rapidement par rapport aux deux points que j'avais soulevé dans mon billet précédent.

Par rapport à la prudence des scientifiques : bin apparemment c'était justifié ! Il semble à présent de plus en plus probable que cette technique ne fonctionne pas comme annoncé, au mieux, et pas du tout, au pire. Par contre il faut noter qu'il faut également faire preuve de prudence avant de déclarer que ça ne marche pas. Peu de temps a passé, une des tentatives de réplication sur le blog ipscell lié ci-dessus est codée en vert / positif. Donc prudence des deux cotés, et à suivre.

Par rapport à l'attitude des auteurs qui ont travaillé dur pour montrer qu'ils avaient raison. A ma connaissance, ils n'ont pas encore crié au complot. Leur réaction aux soucis soulevés ces derniers jours (certaines de leurs données manquent également dans les bases de données, Nature a promis de s'en occuper) sera à mon avis très indicative : scientifiques honnêtes comme les physiciens ayant observé par erreur une vitesse supérieure à celle de la lumière, ou complotistes paranoïaques comme Séralini et al ?

Pour le fun, citons un excellent tweet sur cette affaire :

Tout ceci nous rappelle aussi qu'il n'y a qu'un moyen de savoir si un résultat scientifique publié est bon, c'est le test du temps et de la reproduction par la communauté, comme expliqué dans un précédent billet.

A suivre donc.

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Mise à jour : Top 10 Oddest Things About The Unfolding STAP Stem Cell Story sur le blog ipscell.

Et l'auteur de ce blog fait un Ask Me Anything sur Reddit.

mercredi 12 février 2014

Darwin day : de l'importance de la biologie évolutive pour comprendre les génomes et leurs implications médicales

[caption id="attachment_1781" align="aligncenter" width="146"]Cliquez sur l'image Cliquez sur l'image[/caption]

Aujourd'hui c'est Darwin Day ! Bon je n'ai pas le temps de faire un long billet bien documenté (comme ceux-ci sur l'importance des mécanismes autres que la sélection naturelle : Du côté de chez Elysia chlorotica, Webinet des curiosités), mais je vais parler rapidement de l'importance de la biologie évolutive pour comprendre les génomes.

Comme déjà dit, séquencer des génomes, c'est de plus en plus rapide, de moins en moins cher, et cela a des conséquences médicales : on peut détecter les mutations qui distinguent les personnes. Mais de telles mutations, y en a tout plein. En moyenne, chacun de nous a de l'ordre de 200 mutations neuves, qu'aucun de ses parents n'avaient, plus plein d'autres partagées. Mais lesquelles sont médicalement pertinentes ? Pour essayer de prévoir cela, les bioinformaticiens développent des méthodes computationnelles pour prévoir l'impact de chaque mutation. Attention, quand on dit l'impact, on ne veut pas dire "ça va faire les cheveux roux légèrement moins roux" hein, on n'en est pas encore là, mais plutôt une classification du type : pas de conséquences, un peu mauvais, plutôt grave, carrément inquiétant.

Premier role de la biologie évolutive : nous renseigner sur ce à quoi nous devons nous attendre. Si vous avez lu les billets cités ci-dessus (Elysa et webinet), vous savez que la plupart des mutations dans l'ADN n'ont aucun effet. Et ceux qui ont un effet, ont de manière très générale un effet négatif. C'est relativement intuitif : quand quelque chose marche, et qu'on le modifie au hasard, on a beaucoup plus de chances de le casser que de l'améliorer. Donc on négliger les toute minuscule chance qu'une mutation inconnue jusqu'ici améliore les choses, et on va chercher à classer selon l'effet potentiel. S'il n'y en a pas, cool. S'il y en a un, c'est probablement mauvais.

Deuxième role de la biologie évolutive : le meilleur prédicteur de l'importance d'une mutation, c'est de savoir si cette position dans l'ADN est conservée entre espèces ou non. En effet, si une position d'ADN qui joue un rôle important dans la survie et la reproduction des organismes mute, cette mutation sera détrimentale, et sera probablement éliminée par la sélection naturelle (Darwin ! Darwin !). Par contre si une position qui ne joue pas un rôle important mute, la mutation sera "neutre" (je vous dit d'aller lire les billets cités en haut du billet), invisible pour la sélection naturelle, et aura une faible chance d'être gardée dans l'évolution. Petit exercice de maths de génétique des populations rigolo : sachant que les chances qu'une mutation neutre soit gardée après son apparition sont inversement proportionnelles à la taille de la population (parce que ça veut dire que le morceau d'ADN gardé par toute l'espèce est celle de cet individu muté), et que les chances qu'une mutation apparaissent sout proportionnelles à la taille de la population, qu'en est-il des chances au total pour une position neutre de changer ? Bin la taille de la population est éliminée, donc c'est un taux relativement stable.

Donc les parties d'ADN qui n'auront que peu d'impact médical évoluent relativement vite et de manière relativement stable au cours du temps. Alors que les parties qui ont potentiellement un gros impact médical seront bien conservées entre espèces, grâce à la sélection naturelle. Et ce n'est pas un tout-ou-rien : plus c'est important, plus la sélection est forte, plus c'est conservé. Les protéines qui forment l'ADN en chromosomes (histones) sont 100% conservées entre tous les animaux (à ma connaissance), faut dire que c'est vraiment vraiment critique.

Encore mieux, il faut préciser que ce n'est pas une région d'ADN qui est neutre ou pas, c'est une mutation. Avec assez de données comparatives entre espèces, on peut donc distinguer à une position les mutations "permises" de celles qui sont "interdites" (ou très rares), donc potentiellement détrimentales.

Dans deux articles publiés récemment, des équipes ont proposé de nouveaux classificateurs améliorés pour prédire l'impact des mutations dans le génome humain :

Ritchie et al. 2014 Nature Methods doi:10.1038/nmeth.2832
Kircher et al 2014 Nature Genetics doi:10.1038/ng.2892

Dans les deux articles, ils incluent beaucoup de caractéristiques différentes de l'ADN, y compris les modifications chimiques (billet épigénétique à l'ASP), la composition en nucléotides, l'état du chromosome dans différentes cellules (ADN très enroulé ou plus déroulé), etc etc. Et dans les deux articles, le prédicteur le plus fort et le plus cohérent de l'effet des mutations c'est la conservation évolutive. En plus dans Kircher et al ils ont simulé l'évolution de l'ADN sous différents scénarios pour bien vérifier la pertinence de leur méthode.

Donc Darwin ça ne sert pas qu'à comprendre les pinsons des Galapagos (bien que ce soit aussi très important) ; la théorie qu'il nous a légué, et que l'on continue à améliorer, sert aussi à faire sens de l'énorme quantité d'informations biomédicales qui devient disponible.

Joyeux Darwin Day.

lundi 3 février 2014

Impressions subjectives sur la perception des #OGM, via Twitter

[caption id="attachment_1736" align="aligncenter" width="150"]cliquez sur l'image cliquez sur l'image[/caption]

Depuis l'affaire Séralini, ça m'arrive régulièrement de traiter, sous un angle ou un autre, des OGM, et du coup je regarde ça de temps en temps sur Twitter. Jusque récemment, je trouvais ça très déprimant, avec une domination très massive de discours irrationnels et souvent ouvertement anti-scientifiques.

Or quelque chose qui me frappe récemment, c'est qu'alors que ce ton anti-rationnel reste dominant en français (et autres langues latines) sous le hashtag #OGM, le ton général en anglais, sous le hashtag #GMO, me semble évoluer positivement. Je vois de plus en plus de liens vers des articles scientifiques, des blogs de scientifiques, des corrections des contre-vérités et théories du complot qui circulent. C'est pas encore gagné, remarquez.

Alors c'est très subjectif, et je peux me tromper, mais j'ai l'impression que le vent est en train de tourner aux Etats-Unis, du point de vue discours public. Sans sous-estimer les efforts de scientifiques qui essayent d'éduquer le public, comme Kevin Folta (http://kfolta.blogspot.com/), je pense qu'un certain nombre de journalistes honnêtes, à force d'enquéter sur le sujet de manière ouverte, montrent que non les OGM ne sont pas tous des poisons, non les paysans ne sont pas tous des marionnettes de Monsanto, et oui les anti-OGM manipulent la peur et l'ignorance sans honte ni retenue. Je pense notamment aux excellent articles de Amy Hamon au New York Times (par exemple celui-ci), et à la série d'enquêtes sur Grist par Nathanael Johnson. Ce dernier est notable parce que Grist est un média de gauche avec un historique anti-OGM, Nathanael Johnson est parti dans son enquête avec le même a priori, et a peu à peu vu que les arguments anti-OGM ne tenaient pas la route. Il conclu de manière très diplomatique, mais c'en est fini de l'hystérie anti-OGM à Grist on dirait. (Erreur sur le nom de Nathanael corrigée.)

Donc voilà, on sait ce qui reste à faire en francophonie. Je lance un appel à des journalistes marqués écolo, par exemple Audrey Garric, pour se lancer dans une étude honnête et approfondie sur les OGM, avec comptes-rendus réguliers. Chiche ?

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