vendredi 14 septembre 2012

Economiste et biologie évolutive

[caption id="attachment_411" align="aligncenter" width="90"] Cliquez sur l'image (ce bonhomme c'est Krugman)[/caption]

Via le blog de Jeremy Fox (anciennement contributeur principal du blog du journal Oikos), j'ai découvert un texte un peu ancien mais intéressant, dans lequel l'économiste Paul Krugman discute des similarités entre l'économie (en tant que science) et la biologie évolutive.

Krugman dit plusieurs choses intéressantes. L'économie et la biologie évolutive sont tous deux intéressés par ce que font les individus ; l'analyse de niveaux supérieurs doit être basée sur la compréhension des individus : Methodological individualism. Les individus suivent leur propre intérêt ; les modèles qui marchent expliquent généralement l'altruisme apparent par un intérêt égoiste indirect. Nous nous intéressons aux interactions entre individus. Par contre en économie, on suppose généralement que les individus sont intelligents, alors qu'en biologie évolutive le gène individuel est aveugle aux conséquences de sa fonction et son évolution.

Dans les deux domaines, les chercheurs sont intéressés par des problèmes de stratégies d'optimisation, de préférence des optimisations stables. Mais Krugman note aussi que dans les deux cas, l'optimisation doit être vue comme une stratégie de modélisation, et non comme un principe très fort.

Une autre similarité amusante est que les deux domaines s'appuyent fortement sur les maths, mais attirent des personnes qui sont souvent peu motivées par cet aspect mathématique.

Finalement, Krugman discute un point sur lequel je voudrais me démarquer de lui. Il note avec raison qu'en dehors d'un domaine, ce domaine sera souvent popularisé par un petit nombre d'auteurs, qui risquent de ne pas être représentatifs. Par exemple en économie moi je lis surtout Krugman ;-). Mais à mon avis il commet une erreur en considérant qu'en ayant lu Dawkins, Hamilton et Maynard-Smith, il a une vue à peu près équilibrée de la biologie évolutive, par opposition à ses collègues ayant lu Gould. Dawkins et Gould ont en commun d'avoir écrit des livres très lus. Les deux ont également contribué des avancées importantes à des aspects différents de la biologie, même si on peut arguer que Gould a davantage fait de recherche, et que Dawkins a davantage clarifié des concepts. N'empêche que Hamilton et Maynard-Smith et Dawkins, très intéressants, représentent une certaine approche de la biologie évolutive, individu et gène centrée, avec un intérêt fort pour l'optimisation et peu d'intérêt pour l'histoire évolutive ou l'évolution non adaptative. C'est vrai qu'avoir une vue d'ensemble de la biologie évolutive, c'est pas évident. Et au moins Krugman essaye.

(Voici une autre comparaison par Kurgman entre la réaction des imbéciles face aux complexités des deux domaines)

3 commentaires:

  1. [...] Via le blog de Jeremy Fox (anciennement contributeur principal du blog du journal Oikos), j’ai découvert un texte un peu ancien mais intéressant, dans lequel l’économiste Paul Krugman discute des similarités entre l’économie (en tant que science)...  [...]

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  2. L'analogie des deux disciplines est effectivement frappante. Dans les deux cas, une version simpliste de la discipline domine dans l'opinion bien que très fortement nuancée (voire abandonnée) par la plupart des chercheurs du domaine: en économie, c'est le modèle classique, qui suppose l'individu rationnel, l'absence d'arbitrage, des prix construits autour de "valeurs fondamentales" etc.
    Côté biologie, même domination médiatique pour la version "gène égoïste" de l'évolution, réduisant la théorie darwinienne à un algorithme génétique de maximisation de fitness.

    Dans les deux cas, les hypothèses du modèle ont été depuis bien longtemps battues en brêche par les chercheurs. D'autres paradigmes existent, mais n'ont pas réussi à détrôner la référence à l'ancien modèle (trop subtils sans doute, pas assez unifiés?). Ce qui est destructeur pour les deux disciplines, car leurs détracteurs ont beau jeu de pointer les contradictions ou les insuffisances d'un modèle obsolète pour en déduire l'absence de toute "scientificité" de ces disciplines. C'est ce qui explique pour moi à la fois la montée du créationnisme et le rejet radical de tout raisonnement économique...

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  3. [...] L’article a été fourni à quelques journaux très peu à l’avance, à la condition de ne pas le montrer à qui que ce soit. Y compris donc ne pas le montrer à d’autres scientifiques pour avoir leur opinion sur les travaux et les résultats. Ce qui est très choquant, et veut dire que les journalistes avaient le choix entre écrire un article à temps pour l’évènement, mais sans aucune information ou expertise externe, ou attendre et publier plus tard. Ce qui veut dire que tout le buzz le jour J était forcément mal informé. Excellente politique de communication scientifique, bien mise en pièces par l’excellent journaliste scientifique Carl Zimmer sur son blog. [...]

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