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Suite du poste C'est grave, professeur ?
Nouvelle citation de l'interview de Peter Lawrence dans le LA Times (traduction par moi). Il parle du crédit scientifique, à savoir qui sera crédité pour une découverte, que ce soit en termes de reconnaissance sociale, de promotions, ou de financements.
La règle de base est que le crédit monte toujours. Si vous étudiant, votre directeur [de thèse] aura le crédit. Si vous êtes chef de groupe, votre chef de département* aura peut-être le crédit, par exemple dans l'évaluation de la recherche (research assessment exercise) des universités britaniques. Vous n'êtes pas récompensé pour avoir découvert quelque chose vous-même. Je pense que cela a un effet délétère. Cela encourage trop de scientifiques à voler le crédit, à annexer les découvertes des jeunes.
(Je coupe un peu la suite, vous n'avez qu'à aller lire l'interview originale.)* Note pour les français : le département dans la plupart des pays est l'équivalent du laboratoire en France ; le "laboratoire" est alors un groupe de recherche. J'utiliserais généralement cette notation internationale.
D'abord je note pour le fun que le problème de base n'est pas neuf, il y a une histoire d'Isaac Asimov basée sur la tendance des vieux scientifiques à piquer les idées des jeunes.
Ensuite, c'est vrai que dans beaucoup de laboratoires le chef co-signe tous les articles, même s'il n'a pas contribué significativement. Ca a l'avantage de rendre le labo visible, puisqu'il est facile d'identifier tous les articles d'un même laboratoire. Ce qui peut aussi être à l'avantage des étudiants et post-doctorants lorsqu'ils quittent le laboratoire, et partent d'un endroit bien reconnu, avec des lettres de recommandation signées par un chef bien reconnu. Il n'en reste pas moins qu'on aimerait que tous les signataires d'un article scientifique aient contribué significativement, et soient solidaires du contenu (à savoir, aient tout relu, et soient d'accord avec toutes les conclusions). Particulièrement si quelqu'un s'identifie comme le chef du projet, il doit pouvoir prendre la responsabilité du contenu. (En pratique, le chef même impliqué ne peut jamais tout vérifier, donc il faut qu'une certaine confiance règne.)
Enfin, le postulat de base selon laquelle le crédit ne fait que monter dans la hiérarchie me semble faux. Lorsqu'un article scientifique est co-signé par un doctorant et son chef, on attribue généralement le crédit aux deux. Ensuite, ce qui compte c'est l'ensemble de vos résultats. Donc si vous avez publié plusieurs bons papiers avec un chef très reconnu, puis plus rien après, on va penser logiquement que le crédit était dû au bon chef. Mais si un chef de labo n'a eu de bons papiers qu'avec un certain doctorant ou postdoc, on va aussi penser logiquement que le crédit était dû au bon doctorant ou postdoc. Dans beaucoup de cas, les meilleurs doctorants et postdocs vont dans les meilleurs labos, et donc il y a une synergie, qui fait qu'un bon doctorant va bien publier avec un bon chef. Je ne vois pas que ça soit un désavantage ni pour l'un ni pour l'autre. Il faut aussi savoir que pour obtenir un poste, vous allez finalement être interviewé, et que ceci vise notamment à déterminer votre rôle dans les articles que vous avez co-signé : exécutant ou leader visionnaire ? Et pour obtenir des financements (nerf de la guerre partout, et clé pour avoir un poste dans certains pays), il faut aussi être capable de rédiger un projet qui se tient, ce qui réclame beaucoup des mêmes qualités que celles qui permettent de jouer un rôle important dans les projets scientifiques et les articles. Donc ça n'est pas parfait, mais dire que les doctorants font tout le travail et que les chefs prennent tout le crédit, je ne suis pas d'accord.
En ce qui concerne le chef de département, je n'ai jamais vu (hors recherche hospitalière, qui est un monde spécial, et dont l'interview ne parle pas) qu'on lui donne le crédit scientifique. On peut donner plus de sous à un département dont les membres publient bien et beaucoup, mais c'est une récompense collective, pas une reconnaissance du chef de département. Et certainement pas un crédit scientifique.
Lawrence parle plus loin dans l'interview d'un problème bien réel celui-ci, à mon avis, à savoir que même si des doctorants ou postdocs conçoivent et mènent de manière indépendante un projet, secondaire à leur projet principal (side-project), leurs chefs s'incrustent souvent dans le papier final. Là ça ne me paraît pas correct, et je l'ai vu arriver souvent. Et Lawrence a raison que lorsque la pression d'allonger sa liste de publication est forte (poste non permanent, difficulté d'obtenir des financements), on a du mal à résister à la tentation d'être co-auteur même si on ne le mérite pas vraiment. D'autant que comme il le fait remarquer, si un chef se met sur le papier et pas l'autre, on supposera que ça n'était pas une collaboration équilibrée, mais menée par le chef qui s'est incrusté.
A suivre....
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