Le Lab des usages d'une société de consultants m'a posé quelques questions, et j'ai pensé que ça serait intéressant de partager les réponses ici :
Quels sont les changements majeurs de la bioinformatique de ces 10 dernières années, et plus particulièrement les 5 dernières ?
Le changement majeurs de la bioinformatique est la facilité avec laquelle chaque laboratoire, et non seulement quelques grands centres de génomique, peut générer d'énormes quantités de données. Cela pose des défis en termes de stockage, de gestion de données, d'analyse, de visualisation, et d'interprétation. Cela veut aussi dire que les biologistes expérimentaux se rendent compte qu'ils ont besoin de la bioinformatique.
Quelle est l’utilité bioinformatique du cloud actuellement ? Que peut-on en attendre ?
Actuellement, je dirais que le cloud a peu d'utilité en bioinformatique. Le problème est double : (i) il y a peu d'outils informatiques bien établis, qu'il suffirait d'implémenter dans le cloud ; (ii) beaucoup de projets nécessitent de travailler sur de grandes quantités de données (Tb voire Pb) , qui se prêtent mal au cloud ou au grid.
Quels sont à l’échelle d’un laboratoire de recherche, les impacts (investissement, gain) de coût de « passer dans le cloud ». Est-ce un passage obligé pour survivre ? Tiendra-t’on la distance avec les pays émergents en terme de développements ou cela va-t’il nous recentrer sur la modélisation « systems biology ».
Cela dépend vraiment du type de projet, mais le modèle qui émerge me semble d'avantage être d'avoir des centres de compétence en calcul bioinformatique, de type cluster plutôt que cloud. Je pense que l'on garde une avance sur les pays émergents dans le design expérimental et l'interprétation biologique des données, qui sont d'avantage clés au final que le calcul lui-même. Mais je pense aussi qu'on a assez de données et de questions à étudier pour tout le monde, et donc plus on est de fous plus on rit !
En quoi cela change le profil des recrutements (doctorants, chercheurs à venir ?
Ca c'est à mon avis la question la plus importante. En dehors du besoin de former des bioinformaticiens en nombre croissant, la bioinformatique doit entrer la boîte à outil de tout biologiste, comme la biologie moléculaire l'a fait. Donc les profils doivent inclure au niveau des étudiants un minimum d'exposition à la bioinfo, de préférence un peu de programmation, de type Perl/Python ou simplement R ; et au niveau des chercheurs et profs une conscience du rôle de la bioinfo, et la capacité si nécessaire d'encadrer des projets à composante bioinfo.
Versez déjà dans le travail collaboratif numérique ? Avez-vous eu des initiatives en ce sens (réussies ou non) pour changer votre façon de travailler en interne ? La sensibilité a son retour sur investissement existe-t‘elle dans les laboratoires ou en est-on encore à se dire que ça pourrait être intéressant mais il y a d’autres priorité ?
Mon groupe utilise beaucoup la plateforme wikimedia en interne. D'autres outils "Web 2.0" utilisés incluent Dropbox pour écrire des articles à plusieurs, Google Calendar pour le calendrier du groupe, et Doodle pour organiser des réunions. J'utilise également LinkedIn pour rester en contact avec mes ex-collaborateurs. Et les gros projets de programmation utilisent Subversion, mais ça n'est pas vraiment du Web 2...
A l’heure des réseaux sociaux d’entreprise, de telles initiatives existent-elles dans le monde de la recherche, au sein d’un laboratoire ou de la communauté mondiale ?
Il existe beaucoup d'initiatives (http://www.nettab.org/2010/), le problème est de les faire fonctionner. Les chercheurs manquent de motivations pour contribuer à des réseaux de ce type, au-delà des listes email d'annonces de conférences et de postes.
Quelle part des développements bioinformatiques tombe aux oubliettes faute d’information, départ de doctorants ou de communication interne. Comment est gérée la conduite du changement auprès des utilisateurs biologistes ? Qu’avez-vous mis en place pour contrer cela ou que pourrait-on faire ?
Dans mon groupe les projets sont évalués en fonction de leur potentiel à être maintenu sur le long terme. Certains développements bioinformatiques tombent en effet aux oubliettes, surtout des petits projets très spécifiques. Mais nous maintenons deux gros projets sur le long terme, et nous essayons autant que possible que de nouveaux développements s'inscrivent dans ces gros projets, ce qui facilite leur maintien. Un point clé est d'avoir du personnel stable, en plus des doctorants et postdocs.
Quel serait le travail d’un directeur de laboratoire 2.0 ? Avez-vous mis en place de nouveaux outils web, des facilitations de processus administratifs, soumission de papiers ?
Je ne pense pas qu'on puisse parler de "directeur de laboratoire 2.0". Les outils facilitent le travail, mais la tache du directeur reste essentiellement la même. Il faut garder la porte ouverte, parler avec les gens, et suivre les projets et la technologie.
Est-ce que la bio-informatique a recours au bases de données de type NoSQL pour résorber les problématiques de volumétrie ?
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